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Coronamaison : notre foyer à l’heure du Coronavirus (Partie 2)

Le confinement se poursuit. Et ce long article sur nos lieux de vie, nos maisons, nos foyers lui aussi.

Aujourd’hui, nous allons voir que les maisons sont différentes d’une classe sociale à une autre depuis très longtemps. A travers cet état de fait, nous pourrons évoquer les inégalités sociales qui ont accompagné l’évolution de nos logements jusqu’à nos jours. Car si nous sommes nombreux à déplorer que nous ne sommes pas tous égaux face au confinement (déjà, une pensée pour ceux qui, comme moi, vivent dans un appartement sans aucun extérieur…) nous verrons que nos maisons se sont très tôt différenciées les unes des autres selon notre rang dans la société et/ou notre porte-monnaie.

Comme dans notre précédent article, nous nous concentrerons essentiellement sur l’Europe à partir du Moyen-Age. Mais, promis, nous irons faire un petit tour ailleurs et après le début du XXème siècle dans notre troisième et dernière partie !

Maisons et classes sociales

« Les pauvres, c’est fait pour être très pauvre et les riches pour être très riche » fait dire Gérard Oury à l’acteur Louis de Funès dans La Folie des Grandeurs (film qui, notons d’ailleurs, est programmé sur les écrans français à la moindre occasion de confinement : vacances, canicule et maintenant Coronavirus… Là où je veux en venir, c’est qu’on a jamais vu De Funès et le Père Noël dans la même pièce. Coïncidence ? Je ne crois pas.). Selon leur richesse, leur pouvoir, leurs activités, les gens n’ont jamais habité les mêmes maisons. A travers le temps, les habitations ont changé et sont devenues globalement plus confortables, même pour les classes populaires. Néanmoins, le creuset entre les maisons riches et pauvres ne s’est jamais refermé, atteignant même souvent des proportions démesurées.

Nous allons faire un petit tour des propriétaires pour s’en rendre compte. Encore une fois, nous ne nous arrêterons pas sur des châteaux ou palais royaux, qu’un véritable gouffre sépare de nos foyers à nous. Vous verrez néanmoins que nous n’en aurons pas besoin pour goûter à l’exubérance du luxe !

La maison bourgeoise

Avec l’apparition et le développement de la bourgeoisie, avoir une belle et grande maison va devenir un signe extérieur de richesse.

Les beaux salons, les salles de réception et autres pièces dévolues aux loisirs vont commencer à trouver leur place dans les hôtels particuliers de Paris. Leurs propriétaires rivalisent alors pour avoir la plus belle décoration et se distinguer du voisin. Il s’agit de faire de leur maison « the place to be ». Ces endroits deviennent davantage des lieux de rencontre que des demeures familiales. Même si elles restent des foyers où il fait bon vivre, étant donné le luxe dont bénéficient certaines d’entre elles, elles sont aussi pensées pour en mettre plein les yeux aux convives. Il s’agit alors de démontrer que l’on a le goût des belles choses mais aussi un certain talent pour découvrir les nouvelles tendances avant les autres.

Un appartement oublié depuis 70 ans
Appartement abandonné à Paris depuis 70 ans

Pour se rendre compte de ce à quoi pouvait ressembler un logement bourgeois « classique », l’on peut se tourner vers l’appartement de Mme de Florian à Paris. Je lui avais dédié un petit article il y a quelques années car ce logement avait été oublié de tous depuis 70 ans, époque où sa propriétaire (la petite-fille de Mme de Florian) avait quitté la Capitale pour ne plus jamais y revenir. Sans le vouloir, cette dame nous a laissé une véritable capsule temporelle !

Et puis, durant l’été qui s’accroche aux persiennes,
Dans la chambre, pendant les chauds après-midi,
Tout ce que tu disais et tout ce que j’ai dit…
-La poussière dorée au plafond voltigeait,
Je t’expliquais parfois cette peine que j’ai
Quand le jour est trop tendre ou bien la nuit trop belle
Nous menions lentement nos deux âmes rebelles
A la sournoise, amère et rude tentative
D’être le corps en qui le cœur de l’autre vive;
Et puis un soir, sans voix, sans force et sans raison,
Nous nous sommes quittés; ah! l’air de ma maison,
L’air de ma maison morne et dolente sans toi,
Et mon grand désespoir étonné sous son toit1!

James Tissot, Hide and seek (Cache-cache), Huile sur toile, 73,4 x 53,9 cm, v.1877, National Gallery of Art, Washington.
James Tissot, Hide and seek (Cache-cache), Huile sur toile, 73,4 x 53,9 cm, v.1877, National Gallery of Art, Washington.
James Tissot, October (Octobre), Huile sur toile, 216,5 x 108,7 cm, 1877, Musée des Beaux-Arts, Montréal. "Octobre" est une des plus célèbres peintures de James Tissot. On y voit Kathleen Newton, sa compagne, dans une superbe robe noire, qui tranche sur le fond orangé par les feuilles d'automne.
James Tissot, October (Octobre), Huile sur toile, 216,5 x 108,7 cm, 1877, Musée des Beaux-Arts, Montréal.
« Octobre » est une des plus célèbres peintures de James Tissot. On y voit Kathleen Newton, sa compagne, dans une superbe robe noire, qui tranche sur le fond orangé par les feuilles d’automne.

Le français James Tissot (de son vrai nom Jacques-Joseph Tissot) est un des plus célèbres peintres de la deuxième partie du XIXème siècle. Il passe une partie de sa vie en Angleterre où il tombe amoureux de Kathleen Newton dont il fera de nombreux portraits restés célèbres dans l’Histoire de l’Art. « Déshonorée pour avoir donné naissance à un enfant illégitime, la jeune divorcée vient habiter la luxueuse demeure du peintre à Saint John’s Wood, de 1876 jusqu’à sa mort en 1882, nous explique-t-on dans le hors série de Beaux-Arts Magazine, consacré à l’artiste2. « Les portraits de la Kathleen, au cadrage très serré, reflètent (inconsciemment ?) cette mise au ban de la société, le couple ne pouvant s’afficher au grand jour. Mais la sphère domestique donne également lieu à des scènes familiales sereines et tendres, à l’image de Hide and Seek (vers 1877), où l’on jurerait entendre les gloussements irrépressibles des jeunes enfants jouant à cache-cache, tandis que leur mère est plongée dans son journal. »

L’hôtel particulier de la Païva

L’appartement de Marthe de Florian est déjà impressionnant mais il ne peut guère lutter contre celui d’une autre courtisane, devenue marquise, à peu près à la même époque : la Païva. D’ailleurs, ce n’est même pas un appartement mais un hôtel particulier qu’elle fait construire !

Vue en coupe d'un hôtel particulier. Planche issue des "Besoins de la vie et les éléments du bien-être : Traité pratique de la vie matérielle et morale de l'Homme dans la famille et dans la société" (1887) du Docteur J. Rengade.
Vue en coupe d’un hôtel particulier.
Planche issue des « Besoins de la vie et les éléments du bien-être : Traité pratique de la vie matérielle et morale de l’Homme dans la famille et dans la société » (1887) du Docteur J. Rengade.

Un hôtel particulier est un immeuble ou une construction domestique située en ville (et particulièrement à Paris, qui en comptait jusqu’à 2000 à une époque) et destiné à n’être habité que par une seule famille (et son personnel de maison, qui occupe généralement les « chambres de bonnes » sous les combles).

La Païva, de son vrai nom Esther Lachmann. Photographie de 1850 environ.
La Païva, de son vrai nom Esther Lachmann. Photographie de 1850 environ.

Un des plus incroyables hôtels particuliers de Paris est celui de la courtisane que l’on surnommait La Païva, Esther Lachmann de son vrai nom. On raconte qu’elle l’aurait fait construire à l’emplacement où l’un de ses clients l’aurait jetée de voiture, alors qu’elle vendait ses charmes pour survivre. Elle se serait alors promis de se venger en y construisant la maison la plus extraordinaire de Paris. Avant de parvenir à ses fins, elle se marie trois fois et hérite du titre de marquise de Païva. Sa fortune désormais colossale lui permet de faire construire de véritables folies parmi lesquelles un escalier en onyx ou encore une baignoire aux trois robinets dont l’un, dit-on, distribuait du champagne.

Après avoir observé la magnificence des lieux, le poète Emile Augier écrit : « Ainsi que la vertu, le vice a ses degrés ».

C’est l’architecte Pierre Manguin qui est en charge de la construction. Quant aux décors peints, ce n’est autre que Paul Baudry, peintre de l’Opéra Garnier, qui les réalise. L’architecte met une dizaine d’années à construire cette demeure qui, au total, aurait coûté 10 millions de francs de l’époque3.

Les résidences secondaires

Il n’est pas étonnant que les résidences secondaires bourgeoises aient commencé à voir le jour à peu près à la même époque, au cours du XVIIIème siècle. Elles permettent d’étendre son patrimoine mais aussi de s’éloigner des grandes villes.

Ces maisons se situent généralement à la campagne, non loin des premières lignes de chemin de fer afin de s’y rendre facilement. Juste assez loin pour être au calme et se sentir dépaysé ; juste assez proches pour pouvoir y aller rapidement et revenir tout aussi vite.

Les résidences secondaires sont celles où l’on passe ses week-ends ou des séjours de vacances. Elles sont parfois des maisons de famille où différentes générations se rassemblent. On y invite plus volontiers ses proches et ses amis que le gratin mondain.

La résidence secondaire de… Frankenstein ?

Une résidence secondaire est entrée dans l’Histoire pour avoir abritée, au cours de l’été 1816, Lord Byron, Mary Shelley, Percy Shelley, John Polidori et Caire Clairmont : la villa Diodati. Elle est aujourd’hui inscrite comme bien culturel suisse d’importance nationale.

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Cette année-là, le groupe de jeunes gens se retrouvent dans la villa qui appartient à Lord Byron, au bord du lac Léman. Ils y passent leur temps à se raconter des histoires d’horreur.

Il faut dire que 1816 est connue comme « l’année sans été4« . Mary Shelley décrira plus tard ses souvenirs d’une pluie incessante, d’un temps froid et gris5. Une atmosphère sombre à laquelle s’ajoutent des orages. Une ambiance idéale pour se conter des récits horrifiques entre amis !

Cela finit par inspirer à Mary Shelley son fameux Frankenstein. Polidori, lui, y crée Le Vampire.

La villa Diodati de nos jours.
La villa Diodati de nos jours.
Tourisme et maisons de famille

De nos jours, les résidences secondaires se situent surtout dans les zones les plus touristiques (bord de mer, montagne, campagne…). Elles sont un pied-à-terre qui permet d’être chez soi plutôt qu’à l’hôtel. Et elles restent souvent l’occasion de se retrouver entre proches dans un même lieu, au moins une fois par an, à l’heure où les membres d’une famille vivent de plus en plus aux quatre coins de la France, voire du monde, le reste de l’année. Quand ces résidences occupent le rôle de maison de famille, elles peuvent permettre de reformer pour un temps le cocon familial. Mais nous reviendrons sur l’idée du « cocon » dans notre troisième article.

Ainsi, les résidences secondaires sont plus volontiers d’un style rustique, se voulant un retour à la nature et aux plaisirs simples de la vie. Même si, demeures bourgeoises obligent, elles restent des lieux d’exception que le commun des mortels, d’hier comme d’aujourd’hui, ne peut s’offrir.

Passons donc de l’autre côté du miroir maintenant : du côté des maisons de Monsieur et Madame Tout-le-Monde, des maisons des classes populaires, modestes, voire pauvres, en commençant par un bond dans le temps, au Moyen-Âge.

La maison du peuple

Du côté des classes populaires, la maison est souvent liée au métier exercé par la famille. Plus modeste, elle est souvent proche, voire attenante au lieu de travail des gens qui l’occupent. Ainsi, la ferme est non loin des champs, le meunier habite son moulin et l’artisan a son atelier, son échoppe et son logis dans un même immeuble.

La rue marchande au XVe siècle Gilles de Rome, XVe siècle. Le livre du gouvernement des princes BnF, Arsenal, ms 5062, f° 149 v° © Bibliothèque nationale de France
La rue marchande au XVe siècle
Gilles de Rome, XVe siècle.
Le livre du gouvernement des princes
BnF, Arsenal, ms 5062, f° 149 v°

« La ville étant dédiée au commerce, les maisons de marchands constituent l’icône de l’habitation urbaine. L’espace de vente est situé au niveau de la rue ; la boutique est appelée « ouvroir », car elle ouvre sur la rue par l’intermédiaire d’une large ouverture dotée d’une arcature à travers laquelle les passants peuvent vérifier de visu la qualité des produits exposés et celle du travail artisanal qui s’effectue dans l’atelier ou la boutique. Une planche de bois, à usage de volet, est rabattue pendant la journée pour servir de comptoir. Cette planche, débordant et empiétant sur la rue, est soutenue par un ou plusieurs piquets. La localisation des lieux de travail au rez-de-chaussée, alors que les espaces de vie sont aux étages, caractérise la maison du marchand et de l’artisan. Mais ces deux registres s’interpénètrent : on sait, grâce à des documents appelés inventaires après décès, qui listent les biens des familles après la mort d’un des membres, que les chambres servent aussi de lieux de travail et que les stocks de denrées ou de biens destinés à la vente sont rangés un peu partout dans la maison, de la cave au grenier en passant par la cuisine et les chambres à coucher6. »

Si l’atelier-boutique qui sert aussi de maison à l’artisan est souvent situé en ville, pour des raisons commerciales, la ferme (et donc l’habitation paysanne) se trouve plus logiquement à la campagne, plus loin des grands centres urbains. C’est toujours le cas aujourd’hui. Tout bêtement parce qu’il faut des champs ou de la place pour les élevages ; et il faut des acheteurs pour les commerçants et artisans. La maison est donc le lieu qui abrite le travailleur et son emplacement dépend du travail que l’on exerce.

Saurait-on être plus loin des cités-dortoirs d’aujourd’hui ? Je n’en suis pas sûre.

La vie à la ferme
James de Rijk, Intérieur de paysan, Huile sur toile, 58 x 72 cm, v.1830-1860, Rijksmuseum, Amsterdam, Pays-Bas.
James de Rijk, Intérieur de paysan, Huile sur toile, 58 x 72 cm, v.1830-1860, Rijksmuseum, Amsterdam, Pays-Bas.

Nous en parlions dans le premier article de cette série, « dans les campagnes au Moyen Âge, on construit sa maison en utilisant les matériaux les plus accessibles. La maison rurale est généralement faite de terre, de bois ou de pierre. Elle ne comporte souvent que deux pièces et très peu d’ouvertures à part la porte, afin de conserver la chaleur. Les techniques de construction varient néanmoins selon l’époque, la région et le niveau de vie des habitants7. »

"Cette enluminure représente la veillée. À la nuit tombée, la famille est réunie autour du feu qui permet de se chauffer, d’éclairer et de faire la cuisine. Le jour, la porte reste généralement ouverte pour éclairer la pièce à vivre. On utilise aussi d’autres moyens de chauffage plus simples et mobiles, tels les braseros, récipients creux en terre cuite ou en métal qui contiennent les braises. Pour éviter les incendies, la cuisine est souvent construite à part, de même que la boulangerie ou la laiterie."
« Cette enluminure représente la veillée. À la nuit tombée, la famille est réunie autour du feu qui permet de se chauffer, d’éclairer et de faire la cuisine. Le jour, la porte reste généralement ouverte pour éclairer la pièce à vivre.
On utilise aussi d’autres moyens de chauffage plus simples et mobiles, tels les braseros, récipients creux en terre cuite ou en métal qui contiennent les braises.
Pour éviter les incendies, la cuisine est souvent construite à part, de même que la boulangerie ou la laiterie8. »

La pièce centrale de la maison est construite autour du foyer de la cheminée. Elle sert de cuisine et de principal lieu de vie pour les membres de la famille. On y pratique la veillée, la nuit venue, où l’on se réunit autour du feu pour manger, discuter mais aussi parce qu’il représente la seule source de chaleur et de lumière lors des longues nuits.

N’est-ce pas le lieu idéal pour se raconter des histoires ? En tout cas, je me plais à imaginer que de nombreux contes ont vu le jour autour de ces feux. Surtout quand on voit avec quel plaisir nous nous racontons toujours des histoires autour des feux de camps, par exemple, aujourd’hui.

Dans certaines demeures, on vit près de ses animaux afin qu’ils nous procurent un peu de chaleur. Il arrive alors que la maison soit séparée d’un simple mur de ce que nous appellerions plus volontiers l’étable, aujourd’hui. (Ça ne vous rappelle pas l’histoire de la naissance d’un certain Jésus, ça ? Ça fait sens quand on se dit que les animaux n’étaient pas forcément mis en dehors de la maison, à une époque, non ?)

Vincent van Gogh et la vie paysanne

Vincent Van Gogh fait partie des artistes qui ont cherché à représenter la vie paysanne et, notamment, leur vie « en dehors » du travail mais finalement toujours liée à lui. Ainsi, quand il peint Les Mangeurs de Pomme de Terre, il peint précédemment Les Planteurs de Pomme de Terre. Il fait également de nombreuses autres études avant de peindre le dit tableau ; il réalise des natures mortes, montrant des patates ou d’autres légumes. Et il travaille longuement les expressions du visage, faisant de nombreux portraits de paysans, pour arriver au résultat qui le satisfera le plus.

Dans une lettre écrite à son frère, il écrit :

« J’ai voulu, tout en travaillant, faire en sorte qu’on ait une idée que ces petites gens, qui, à la clarté de leur lampe, mangent leur pommes de terre en puisant à même le plat avec les mains, ont eux-mêmes bêché la terre où les patates ont poussé ; ce tableau, donc, évoque le travail manuel et suggère que ces paysans ont honnêtement mérité de manger ce qu’ils mangent. […] Pour la même raison, on aurait tort, selon moi, de donner à un tableau de paysans un certain poli conventionnel. Si une peinture de paysans sent le lard, la fumée, la vapeur qui monte des pommes de terre, tant mieux ! Ce n’est pas malsain. Si une étable sent le fumier, bon! Une étable doit sentir le fumier. Si un champ exhale l’odeur de blé mûr, de pommes de terre, d’engrais, de fumier, cela est sain, surtout pour les citadins. Par de tels tableaux, ils acquièrent quelque chose d’utile. Mais un tableau de paysans ne doit pas sentir le parfum9. »

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On retrouve l’idée de la veillée, déjà représentée dans l’enluminure du Moyen-Âge que je vous montrais plus avant. Les visages sont marqués, très exagérés par Van Gogh qui semble avoir voulu montrer à quel point ces gens étaient marqués physiquement par leur travail. Il fait plus que partie d’eux : ces paysans sont leur travail, ils l’incarnent. On s’éclaire désormais à l’aide d’une lampe à huile qui sert de plafonnier mais l’idée du feu, du foyer, reste là à travers sa faible flamme. La première Révolution Industrielle est déjà passée par là et l’électricité, son déploiement, sa popularisation, commencent à lancer celle qui va suivre mais la vie de ceux qui nourrissent les pays n’a pas beaucoup changé, au fil des siècles.

C’est un peu comme si le temps s’écoulait différemment pour une partie de la population. Et c’est plutôt amusant de noter que c’est justement à la fin du XIXème siècle que naît celui qui va théoriser l’idée de la relativité du temps : Albert Einstein (1879-1955).

La maison ouvrière

Mais les maisons qu’habitent Monsieur et Madame Tout-le-Monde ne vont pas toutes rester figées dans le temps. Celles des ouvriers, dont le nombre ne va cesser de croître au cours de la première Révolution Industrielle, vont beaucoup changer dès le XIXème siècle.

Les premières maisons ouvrières vont apparaître avec les premières usines de production de masse. Le travail commence à se concentrer autour de ces pôles d’attraction, généralement aux abords des villes. Les gens quittent parfois leur région d’origine et, en particulier, les campagnes et leur famille pour aller vivre aux abords des usines qui pourront les employer.

Il va s’agir de loger (parfois d’urgence) des populations qui arrivent en masse et peuvent aussi venir de pays étrangers. L’idée de la « gestion des ressources humaines » va commencer à voir le jour à la même époque : il faut des ouvriers pour faire tourner les usines et il faut qu’ils soient aussi efficaces que possible au travail. Il faut donc au moins assurer leurs besoins de base : de la nourriture et un toit.

Les Cités Ouvrières

A force de se multiplier et parce qu’il faut construire rapidement, les premières cités ouvrières apparaissent. Ce sont des rassemblement de logements quasi identiques, agglutinés les uns à côté des autres. Mais ce ne sont pas encore les cités pavillonnaires que nous pouvons connaître aujourd’hui : pas de voiture à l’époque (ou excessivement peu et trop chères pour les ouvriers d’alors) donc l’usine dans laquelle travaillent les employés doit se trouver à proximité du quartier ou être spécifiquement desservie par des trains ou des bus en quantité suffisante.

Pour l’anecdote, à Douchy-les-Mines (59), petite ville située près de chez moi (qui, comme son nom l’indique, était une cité minière) on raconte que le bruit des pas que faisaient les nombreux ouvriers, qui partaient tous à la même heure en marchant silencieusement dans la rue, ressemblait au bruit d’un bourdon. Dans notre patois Ch’ti, le « bourdon » est appelé le « pipi malo » et cela a donné son nom au carnaval qui a toujours lieu de nos jours (bon, sauf en 2020, vous vous doutez bien…).

A cette époque, on est encore assez loin de la cité dortoir d’aujourd’hui, néanmoins. Il n’est pas rare, en effet, que les constructeurs et propriétaires de ces logements soient les entreprises mêmes qui emploient les ouvriers. Or, il faut garder ces employés, surtout quand ils ont de l’expérience ou sont qualifiés, afin de ne pas avoir à en former d’autres, ce qui serait coûteux. Il faut donc en prendre (plus ou moins relativement) soin.

En ce sens, certains patrons n’hésitent pas à créer des écoles, des garderies ou encore des centres de loisirs. L’idée n’est pas philanthropique mais consiste bien à contrôler la vie de ses ouvriers pour assurer, voire améliorer la rentabilité de l’entreprise. C’est ainsi que vont apparaître de véritable quartiers « clos » pour garder la main sur les ouvriers (et leur famille : les enfants représentent les potentiels ouvriers de demain).

L’exemple de la Cité des Électriciens

Comme je suis actuellement doctorante et que mes recherches portent sur le patrimoine industriel des Hauts-de-France (et le Steampunk, pour ceux qui ne sauraient pas encore, même si je le crie littéralement sur tous les toits, je plaide coupable), en août 2019, peu après son ouverture, j’ai eu l’occasion de visiter la Cité des Électriciens à Bruay-la-Buissière (62). Contrairement à ce que semble indiquer son nom de prime abord, c’est une ancienne cité minière.

Vue aérienne de la Cité des Electriciens à Bruay-la-Buissière (62).
Vue aérienne de la Cité des Electriciens à Bruay-la-Buissière (62).

En effet, les gens qui vivaient dans la Cité des Électriciens se voyaient fournir un logement par la Compagnie des Mines de Bruay. Toute la vie des mineurs était alors régie par les Houillères, jusque dans leurs loisirs. En visitant le musée, accolé à la Cité rénovée, j’ai notamment relevé le témoignage d’une fille de mineur : elle expliquait avoir eu une enfance heureuse dans la Cité mais lui avoir trouvé des airs de ghetto avec le recul. En effet, elle explique que personne ne sortait de la Cité. Et les gens qui n’y habitaient pas (venant d’autres quartiers de la ville, tout simplement) n’en connaissaient que l’arrêt de bus, jouxtant les lieux.

Car c’est un des mauvais côtés de ce genre d’endroit : la population peut se renfermer sur elle-même avec le temps. Tout étant à portée de main, il n’est plus nécessaire de s’éloigner de son domicile pour faire ses courses ou se détendre. Même les amis sont en fait nos voisins. A force, le communautarisme peut se développer au sein de ces quartiers. Un communautarisme qui n’a pas que des aspects négatifs, d’ailleurs, car c’est aussi lui qui génère un fort sentiment d’appartenance au quartier (donc à l’entreprise) et une forte coopération.

L’entraide est une valeur centrale dans le milieu ouvrier : on se soutient les uns, les autres. C’est aussi dans cet état d’esprit que se développe le concept du Prolétariat (la classe sociale prolétaire, qui crée, travaille, produit mais ne possède rien, en opposition à la classe capitaliste qui possède, exploite, s’enrichit) ou les premiers syndicats.

Une illusion de liberté ?
Les façades en briques rouges de la Cité des Electriciens à Bruay-la-Buissière (62).
Les façades en briques rouges de la Cité des Electriciens à Bruay-la-Buissière (62).

Au sein de la Cité des Électriciens, comme dans d’autres villes minières composées de corons, les gens se voient dotés d’une maison avec un petit jardin qui occupe une place importante dans la vie des familles de mineurs. Les voisins rivalisent d’ingéniosité pour avoir le plus beau jardin.

Les jardins occupent encore une place très importante dans la scénographie de la Cité des Électriciens aujourd’hui. Une citation de Arthur Choquet, ancien élève de l’École nationale d’horticulture de Versailles, nommé chef des jardins et plantations de la compagnie minière de Lens avec le grade d’ingénieur horticole après la Première Guerre Mondiale, est d’ailleurs inscrite sur un des murs qui clôturent les larges espaces verts : « Le jardin tient son homme, l’homme tient à son jardin. »

En revanche, si les gens peuvent égayer leur intérieur en le décorant comme ils le souhaitent, il est interdit de repeindre les façades. Tout juste peut-on installer des jardinières aux fenêtres. Des gardes, employés eux aussi par la Compagnie des Mines, veillent au grain.

Tout cela n’est évidemment pas gratuit : les mineurs qui travaillent pour la Compagnie se voient attribuer une maison pour eux et leur famille mais ils doivent malgré tout s’acquitter de taxes, prélevées directement sur leur salaire.

Notons également que ce type de Cité a souvent été construit le plus rapidement possible, avec des matériaux disponibles à proximité et avec la volonté de dépenser le moins d’argent possible. Il faudra attendre des décennies avant que ces habitations n’aient accès à l’eau courante et disposent enfin de toilettes intérieures et de salles de bain modernes. Derrière l’idéal de la Cité Ouvrière où chacun a un toit au-dessus de la tête, la réalité est souvent moins rose qu’on ne le pense.

Certains projets se montrent néanmoins plus utopiques que d’autres.

Les Familistères
Vue du Familistère de Guise
Vue du Familistère de Guise

En 1859, l’industriel Jean-Baptiste André Godin, crée le familistère de Guise (02). Il est le fondateur de la fonderie Godin, à l’origine des célèbres poêles en fonte Godin.

Parfois surnommé le « palais social », le familistère de Guise s’inscrit dans l’idéologie socialiste utopique en laquelle croit Godin. Ancien ouvrier lui-même, il explique se souvenir des conditions de vie difficile des salariés de l’industrie. Il ne veut pas reproduire un tel modèle socio-économique dans son usine. Il s’engage donc à redistribuer les richesses produites par son entreprise à ses employés en créant le familistère. L’idée est que des conditions de vie meilleures seront un investissement pour l’avenir.

Le familistère disposera donc d’équipements dont seuls les logements bourgeois pouvaient bénéficier jusqu’alors. D’abord, ils sont salubres et bien éclairés mais, surtout, l’eau potable est disponible à tous les étages, ainsi que des toilettes ou des salles de bain. S’ajoutent à cela tout un tas d’équipements communs : buanderie, piscine (couverte et chauffée déjà à l’époque), cinéma, magasins ou encore un jardin d’agrément où l’on se plaît à se détendre, se promener, jouer à la pétanque ou simplement se rencontrer.

Le familistère a également son école. Elle est gratuite, laïque et obligatoire jusqu’à 14 ans.

En Belgique, un autre familistère de ce genre existe et peut être visité également : le Grand Hornu.

Conclusion : De l’art d’habiter sa maison

Dans L’Architecture du bonheur, le philosophe Alain de Botton explique que « nos murs reflètent notre idéal10« . Un idéal qui varie d’une personne à une autre ; si, pour certain, par exemple, se retrouver de temps en temps dans le cocon familial est indispensable, pour d’autres, c’est une véritable torture, inenvisageable.

En tout cas, l’on se rend vite compte, à la lecture de l’ouvrage, qu’avoir une belle maison n’est pas forcément synonyme de bonheur. Plus encore, De Botton s’interroge sur les liens qui existeraient entre notre aptitude au bonheur et notre lieu de vie. « La plus noble architecture peut parfois faire moins pour nous qu’une sieste ou un cachet d’aspirine11« , explique-t-il.

En ces temps de confinement, il paraît que nous sommes nombreux à chercher comment habiter notre propre maison. Un véritable art (de vivre) qui semble s’apprendre et dont dépend de nombreux facteurs. La salubrité des lieux, leurs tailles, leurs équipements, leurs localisations… ou même ceux avec qui on les occupe avec nous,  sont évidemment les critères qui nous préoccupent en premier lieu. Mais une composante nous passe souvent au-dessus de la tête alors qu’elle est primordiale : nous.

Les meilleures conditions matérielles possibles sont une choses pour bien vivre, c’est indéniable et nous avons pu en voir quelques exemples ici. Mais nous oublions trop souvent que nous devons aussi apprendre à vivre avec nous-mêmes. Nous retrouver cloîtrés chez nous actuellement nous pousse parfois dans nos retranchements, vis-à-vis de cette problématique. On nous apprend très tôt à vivre en société, à vivre avec les autres mais comment vivre avec soi-même ? Nous essaierons de répondre à cette question dans notre troisième et dernier article sur les Coronamaisons !


Sources :

1 Anna de Noailles, « L’adolescence« , dans L’Ombre des jours, 1902.
2 Joséphine Kraft, « De Paris à Londres, portraitiste et peintre de genre : une précision quasi photographique« , dans « Le Narrateur d’une époque« , dans James Tissots : l’ambigu moderne, Beaux Arts, Hors Séries, Avril 2020, p.24.
3 Paris Promeneurs : « L’hôtel de la Païva »
4 Wikipédia, « L’année sans été » (Year Without a Summer)
5 Mary Shelley, paragraphe 6, Introduction de l’édition de 1831 de Frankenstein.
6 Passerelle(s), « La maison de marchand« , dans La Maison urbaine au Moyen-Âge, la BNF
7 Passerelle(s), La Maison Médéviale Rurale, la BNF
8 Lettre 404 N à Théo, Nuenen, 30 avril 1885
9 Passerelle(s), « Le feu au centre de la maison », dans La Maison Médéviale Rurale, la BNF
1 Le Figaro Magazine –  » Alain de Botton : ‘Nos murs reflètent notre idéal’ « 
11 Psychologies : « Le bonheur à la maison, les joies de l’intérieur »

Nounours des Gobelins : invasion d’ours en peluche à Paris !?

Nos villes, nos magasins et peut-être déjà nos maisons se parent peu à peu des premières décorations de Noël : pas de doute, le mois de décembre approche. Mais en attendant, la grisaille est là, il fait froid, nous sommes tous un peu fatigués et bougons. J’ai donc décidé de vous parler d’une initiative qui devrait vous donner le sourire, aujourd’hui : les Nounours des Gobelins. Car on en a bien besoin !

Nounours des Gobelins : des Nounours géants et trop mignons ont envahi le quartier des Gobelins, non loin de la Place d'Italie, à Paris.
Nounours des Gobelins : des Nounours géants et trop mignons ont envahi le quartier des Gobelins, non loin de la Place d’Italie, à Paris.

Des Nounours géants dans Paris !?

Ils mesurent 1m40, pèsent environ 5kg, couleur vanille et ont des bouilles qui ne pourront vous empêcher de vous extasier en mode : « Ils sont crôôôôô mignons ! » Ce sont les Nounours des Gobelins.
On les surnomme ainsi parce qu’ils ont envahi le quartier des Gobelins (XIIIème arrondissement) à Paris, depuis fin octobre. On les trouve tantôt en terrasse d’un restaurant, dans un café, tantôt dans le métro, ou encore à la pharmacie, chez le caviste, le fleuriste ou le coiffeur du quartier. Les mises-en-scènes sont nombreuses et changent régulièrement. L’autre jour, ce sont même jusqu’à 37 ours qui apparaissent aux fenêtres de l’Hôtel des Gobelins !

Mais qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? POURQUOI ???

D’où viennent les Nounours des Gobelins ?

« Qui est à l’origine de cette moelleuse invasion ? « La confrérie des francs-oursons », ironise un barman de la rue interrogé par BFMTV. »

Source : Ouest-France – « Paris. Des nounours géants envahissent le quartier des Gobelins »

Ce serait marrant mais, évidemment… non. Apparemment, c’est le libraire du 25 avenue des Gobelins qui est à l’origine de l’apparition de ces adorables nounours, un peu partout dans le quartier. Il semble qu’il ait acheté les peluches (une cinquantaine !) et les prête aux commerçants ou aux habitants, à la demande. Les Nounours vont donc parfois chez les riverains et pas seulement dans les boutiques du quartier.

Le but ? Apporter de la bonne humeur aux gens, semble-t-il. En effet, dans Le Parisien (Source), des commerçants voisins expliquent qu’il ne s’agit pas d’une opération commerciale mais bel et bien d’une idée marrante, mignonne, pour rapprocher les gens. Pour Ouest-France, « ils n’ont rien d’autre à vendre que leur propre présence, aucun autre but que de faire sourire, retomber en enfance. » (Source)

« Certains n’ont pas saisi… A la sandwicherie bagel, la serveuse à l’accent anglo-saxon croit savoir que « c’est la mairie qui a mis ça en place pour les enfants ». Au café de la Manufacture où deux ours sont attablés en permanence, Karim, un client, croyait que « c’était pour le réchauffement climatique » tandis que Dan, son voisin, pensait « que c’était une déco de Noël ». Jérôme, le patron, est lui très clair : « C’est un délire et c’est que du bonheur », dans lequel se sont engouffrés des policiers… « Y a des flics qui sont venus en chercher deux pour les ramener au commissariat. Ils les ont baptisés Starsky et Hutch ». »

Source : Le Parisien – « Paris : l’incroyable buzz des nounours géants des Gobelins »

Galerie des Nounours

Qu’est-ce que la Mairie pense des Nounours ?

Il semble que même la maire de Paris, Anne Hidalgo, a apprécié l’initiative comme en témoigne ce tweet plein d’émoticônes nounours et de cœurs :

Il faut dire que, bon, les initiatives citoyennes ont le mérite d’être gratuites pour la Mairie qui peine parfois à rendre la Capitale plus agréable à vivre pour tous. Les raisons sont nombreuses (manque de moyens, lois, lenteurs administratives, divergences politiques…).

On peut toutefois se demander si c’est toujours à la Mairie d’une ville ou à ses institutions politiques en général, de prendre ce genre d’initiative. Celle-ci a un coût, certes (il a fallu acheter une cinquantaine de peluches géantes, ce n’est pas rien) mais quel parti les habitants du quartier, et surtout ses commerçants, tirent-ils de cette idée ? Il semble en tout cas que les ours attirent les curieux. Ce sont autant de potentiels clients à la clef. Ils rendent également les gens plus joyeux, ce qui est aussi une bonne chose pour le commerce : les gens sont plus enclins à se rendre dans les boutiques mais aussi à acheter chez elles.

Enfin, les réseaux sociaux font le reste ! Les gens partagent en grand nombre des photos des Nounours sur la toile. La page Facebook qui leur est dédiée compte, à l’heure où j’écris ces lignes, 6307 « J’aime » et 6439 abonnés. Leur compte Instagram, quant à lui, a déjà attiré 1369 fans (liens à la fin de cet article).

En fait, c’est une idée plutôt politique au sens premier du terme : en effet, les citoyens prennent ici part à la vie de la cité (« polis »).

Des nounours plutôt cools ?

Pour conclure, je trouve tout ça amusant, ludique et clairement bon enfant. Bref, j’aime beaucoup cette initiative. En fait, je crois que je l’aimerais bien même si elle était commerciale (et elle l’est, in fine, même si ce n’est pas l’objectif premier de l’instigateur).  Certains la trouveront peut-être futile, infantile, voire ridicule. Personnellement, je trouve qu’elle dynamise le quartier, fait sourire les gens, apporte un peu de bonne humeur et de fantaisie au quotidien. Elle recrée des liens entre les personnes (les habitants, les commerçants, les passants, les curieux…) et ce n’est pas si courant !

La seule question que je me pose c’est : personne n’abîme les peluches ? Personne n’essaye de les voler ? Si c’est le cas, c’est très bien et je souhaite de tout cœur que cela dure !

Et puis, ces nounours me rappellent celui que j’ai dessiné il y a quelques mois (et qu’il faudrait que je me décide à mettre en couleur, un jour) :

Vous ne trouvez pas qu’il y a un air de famille ?

En plus, grâce à cette initiative, c’est la deuxième fois sur ce blog que nous parlons d’art dans le XIIIème arrondissement de Paris. Un quartier à visiter, donc, vous ne croyez pas ?

Et vous, que pensez-vous des Nounours des Gobelins ? Bonne idée ou mauvaise idée ? N’hésitez pas à me dire si, étant à Paris, vous les avez vus en vrai ! Ou à partager d’autres initiatives citoyennes de ce style, qui égaye votre ville ou votre quartier. D’ailleurs, ne devrait-on pas faire ça plus souvent ?

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Sources :

Page Facebook – Les Nounours des Gobelins
Compte Instagram – Les Nounours des Gobelins
Le Parisien – « Paris : l’incroyable buzz des nounours géants des Gobelins »
Paris Zigzag – « Pourquoi voit-on des nounours géants partout dans le 13e ?! »
Ouest-France – « Paris. Des nounours géants envahissent le quartier des Gobelins »
Paristoric – Le Quartier des Gobelins

Laissez-moi en faire toute une Cène !

Comme beaucoup d’étudiants en Art, j’ai eu l’incommensurable plaisir de travailler sur le thème du détournement (#ironie) de nombreuses fois. Cette pratique artistique est une des plus usitées à l’heure actuelle : tous les médias l’utilisent et une simple recherche sur la toile vous montrera à quel point faire preuve d’originalité en ce domaine relève du fantasme pur. En particulier parce que la pub s’est littéralement jetée sur le filon et que la pub est absolument partout et sans arrêt autour de nous…

Le détournement, qu’est-ce que c’est exactement ? Il s’agit d’un procédé artistique qui consiste à s’approprier une œuvre ou un objet et à l’utiliser pour un usage ou une représentation différents de l’usage ou la représentation d’origine. (Source: Glossaire des Arts Plastiques proposé par l’Académie de la Réunion, bien fourni, bien pratique).

Les exemples sont nombreux mais nous allons nous attarder sur un des exemples les plus récurrents de l’Histoire de l’Art avant d’en citer quelques autres : la Cène.

Vous connaissez forcément La Cène de Léonard de Vinci. Ne serait-ce que parce que vous avez lu le Da Vinci Code. S’il y a bien un tableau à la mode, en ce moment (et tout le temps, en fait, allez savoir pourquoi ! Le génie, sans doute), c’est bien celui-là. Détourné à toutes les sauces, on ne voit que lui sans même s’en rendre compte. Il faut dire que depuis sa réalisation (entre 1494 et 1498), ce tableau n’a eu de cesse d’être repris par les artistes parce que cette fresque, de nombreuses églises en ont très vite rêvé et les commandes de copies ont donc afflué.

Pause précision : Pour ceux qui l’ignoreraient, La Cène de Léonard de Vinci est bien une fresque, c’est-à-dire une peinture murale, et pas une toile ou une peinture sur bois comme cela est aussi courant. La dite fresque est d’ailleurs dans un assez triste état, à l’heure actuelle, comme en témoigne la photo ci-dessous. Car, non, la qualité désastreuse que vous pouvez observer là ne vient pas du cliché mais bel et bien de l’état réel de ce chef-d’œuvre de l’Histoire de l’Art qui, peu à peu, disparaît inexorablement (et ce, depuis sa création même !).

La Cène - Léonard de Vinci
La Cène – Léonard de Vinci
Fresque réalisée entre 1494 et 1498
4,60 × 8,80 mètres
Eglise Santa Maria delle Grazie de Milan (Italie)
Couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie à Milan
Vue extérieure du couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie à Milan, dans le réfectoire duquel se trouve la fameuse fresque de Léonard de Vinci.

Le succès de la toile est tel que certains peintres réalisent alors des « presque-copies » de l’œuvre. Très vite, de nombreux peintres imposent aussi des visions à la fois très différentes et proches de cet instant clef de la Bible peint par le maître italien.

C’est pourquoi on peut dire que la Cène de Léonard de Vinci semble s’être immédiatement imposée comme la représentation la plus emblématique de cette scène biblique. Au point d’entrer presque instantanément après son achèvement dans l’imaginaire collectif (celui des artistes, en tout cas).

Il existe donc, déjà peu de temps après sa création, des dizaines de versions de la Cène, plus ou moins ressemblantes à l’originale de Léonard de Vinci. En voici quelques exemples :

La Cène, Marco d'Oggiono Copie, 1506 Copie de la Cène de Léonard de Vinci, vers 1506-1509, Musée national de la Renaissance, Château d'Ecouen en Région Parisienne, (France)
La Cène, Marco d’Oggiono
Copie, 1506
Copie de la Cène de Léonard de Vinci, vers 1506-1509, Musée national de la Renaissance, Château d’Ecouen en Région Parisienne, (France)

guillemet« Déposé par le musée du Louvre, ce tableau est l’une des toutes premières copies de la fameuse Cène de Léonard de Vinci, commandée à Milan dès 1506 à Marco d’Oggiono, l’un de ses meilleurs élèves, quelques années après l’achèvement de l’original par le maître au couvent de Sainte-Marie-des-Grâces à Milan (1498).
(…) Tandis que la peinture murale s’est dégradée de manière prématurée, Marco d’Oggiono a reproduit fidèlement toutes les caractéristiques de l’œuvre et de l’art de Léonard : une composition étudiée ; l’expression forte des visages et des physionomies, le mouvement des corps par les positions très variées des apôtres, les couleurs chatoyantes et enfin la multitude de détails apportés par l’artiste sur la table de banquet aujourd’hui presque intégralement disparu de l’originale sont autant de caractéristiques remarquables de cette œuvre d’exception. »

« Si elle en simplifie la perspective architecturale savamment calculée et la mise en lumière subtilement distribuée, on y retrouve cependant l’extraordinaire construction du premier plan, avec au-dessus de la longue table horizontale la répartition des apôtres en quatre groupes, de part et d’autre du Christ. »

Source : La Cène – Extraits de la notice explicative du Musée de la Renaissance, Château d’Ecouen (Val d’Oise)

Le repas chez Levi - Véronèse
Le repas chez Levi (ou Le banquet chez Levi) – Paolo Caliari, dit Paul Véronèse
1573
Huile sur toile, 555 × 1 310 cm
Gallerie dell’Accademia de Venise (Italie)

La version de Véronèse est l’une de celles que je préfère. Parce que, tout d’abord, elle a fait l’objet d’un procès, au moment de son élaboration. Tout de suite, on peut voir que la Cène, censée être l’objet principal de cette immense composition (plus de 13 mètres !), se trouve au deuxième plan, au fond bien qu’au centre, derrière d’épaisses colonnades. Véronèse a pris des libertés quant à l’histoire contée par la Bible puisque le riche décor dans lequel se passe la Cène n’a rien à voir avec l’auberge en Palestine décrite par le texte original (cela étant, le décor de Léonard de Vinci n’a pas non plus vraiment l’être d’être celui d’une auberge, mais ses raisons étaient différentes). On croirait presque regarder une immense scène de théâtre, grouillante d’intrigues diverses.

Véronèse n’acceptera pas de modifier son tableau malgré une condamnation du Saint-Office censée l’y contraindre. A la place, il acceptera seulement de lui donner un titre différent : La Cène devenant Le repas (ou le banquet) chez Levi (nom hébreux de Saint Matthieu), du nom d’un passage de l’Evangile selon Luc.

La Cène (copie)
La Cène (copie)
Italie, XVIe siècle, 133 x 77 cm,
Transposé sur toile,
Musée de l’Ermitage, St Petrsbourg (Russie)

Des sortes de « d’objets souvenirs » de l’époque, de plus petites copies de La Cène, plus facilement transportables, apparaissent également. Le Musée de l’Ermitage possède une de ces petites copies qui, je trouve, ressemble beaucoup à l’original de Léonard de Vinci. Il en existe cependant d’autres qui, elles, ressemblent davantage à d’autres copies comme celle de Marco d’Oggiono, l’élève de Vinci dont je vous ai parlé plus haut. Des copies qui copient des copies… Tout ça devient compliqué !

Quoi qu’il en soit, une seule de ces représentations est très clairement présente dans les esprits et c’est celle de Léonard de Vinci. C’est pourquoi, de nos jours, c’est elle qui est détournée sans cesse (logique, qui irait détourner une image que personne ne serait en mesure de reconnaître ? Aucun intérêt.. Aucune logique surtout, car on ne comprendrait pas qu’il y a détournement.).

Faisons quand même un rapide distinction entre copie, version et détournement : un détournement n’est pas une copie ou une autre version d’une autre. C’est une œuvre à part entière qui réutilise les codes d’une œuvre qui l’a précédée. Un artiste peut réaliser le détournement d’une œuvre pour plusieurs raisons : lui rendre hommage ou la parodier. Il peut aussi considérer que l’œuvre qu’il détourne lui permettra de faire passer un message. Dans le cas de la Cène, il peut s’agir d’évoquer le passage de la Bible représentée par l’oeuvre de De Vinci. De cette manière, on peut rapidement identifier : un repas, des gens autour d’une table, un personnage central important, un traitre… Comme tous ces éléments sont présents dans la Cène de De Vinci, on va naturellement les « chercher » dans les détournements de cette fresque. Cela permet de faire des parallèles.

Après avoir vu pas mal de copies et de versions de la Cène, passons donc aux véritables détournements de celle-ci.

La Dernière Cène (ou Le Sacrement de la dernière cène), Salvador Dali
La Dernière Cène (ou Le Sacrement de la dernière cène), Salvador Dali
1955, Huile sur toile
168,3 × 270 cm
Galerie nationale d’art de Washington (Etats-Unis)

Dans sa période mystique, hanté par le développement du nucléaire, Salvador Dali peint un détournement de la Cène. Le tableau est très étrange et pose beaucoup de questions dont les réponses résident bien souvent dans sa symbolique, comme cela est le cas dans la plupart des œuvres de l’artiste espagnol. Mais il est surtout très moderne. Le décor est tel qu’il donne l’impression de se dérouler dans une sorte de futur très lointain, de ceux que la science-fiction peut décrire.  Quant au Christ à moitié translucide (on distingue la barque de l’arrière plan à travers son corps), je trouve qu’il a tout d’un hologramme à la Star Trek. En fait, l’ensemble ne me paraît pas si éloigné du détournement façon Star Wars que nous verrons plus après dans cet article.

Inutile, d’ailleurs, d’être nécessairement occidental et/ou d’un pays historiquement chrétien pour avoir été marqué par l’aura de La Cène de Vinci. Ainsi, l’artiste chinois Zeng Fanzhi a, lui, détourné cette toile de façon clairement politique : dans son tableau, le Christ et ses apôtres sont de jeunes recrues du Parti Communiste Chinois et ce sont des morceaux de pastèques qui se trouvent sur la table du célèbre repas biblique.

Il faut d’ailleurs savoir qu’en 2013, ce tableau établit « un record aux enchères Sotheby’s à Hong Kong en trouvant acquéreur (qui a souhaité rester anonyme) pour 23,8 millions de $ – soit le tableau le plus cher de l’histoire par un artiste asiatique contemporain vendu aux enchères. » (Source) Puis, jusqu’en février 2014, l’artiste a droit à sa première rétrospective en France au Musée d’Art Moderne de Paris.

La Cène, Zeng Fanzhi
La Cène, Zeng Fanzhi
2001, 4m x 2,2m

Vous montrer tous les détournements de cette fresque que j’ai pu trouver serait trop long alors voici celles qui ont retenu mon attention :

Affiche de Marithé et François Girbaud, interdite en 2005
Affiche de Marithé et François Girbaud, interdite en 2005.

Véronèse n’est pas le seul artiste a avoir déclencher des réactions hostiles avec sa version de la Cène (comme quoi, il y a des choses immuables, en ce bas monde). Cette publicité des créateurs de mode Marithé et François Girbaud a été interdite et condamnée par la Conférence des Evêques de France. Elle aurait, semble-t-il, porté atteinte à la foi des catholiques. On peut s’interroger sur les raisons de cette plainte : est-ce parce qu’il s’agit d’une publicité ? Une publicité de mode, qui plus est ? Est-ce parce qu’il s’agit uniquement de femmes aux places normalement réservées au Christ et à ses apôtres ? Ou est-ce parce qu’un homme apparaît dénudé ?

Ici, comme vous pouvez le voir, les apôtres ne sont plus des hommes mais des femmes. Des femmes bien actuelles qui respectent la gestuelle des personnages du tableau de Léonard de Vinci. Le couple de stylistes ne fait pourtant rien de bien novateur en soi puisque des photographes, bien avant eux, auront l’idée de remplacer les apôtres par des jeunes à casquette ou des dragqueens. En faire des femmes est donc loin d’être l’idée la plus farfelue ou la plus choquante. D’autant que les symboles glissés çà et là dans la photographie montrent que le fond a été fouillé ; le triple-pied (à gauche), symbole de la Sainte Trinité, le pain sur la table, la colombe (à droite) symbole de paix… Au final, on a du mal à comprendre ce qui a pu provoquer une telle réaction de la part de l’Eglise. Le juge en charge de l’affaire aurait déclaré à l’époque que cette affiche représentait « un acte d’intrusion agressive et gratuite dans le tréfonds des croyances intimes ». Rien que ça !

A mon sens, l’artiste peintre et caricaturiste Michel Achard tape plus fort dans le style « intrusion agressive et gratuite dans les tréfonds des croyances intimes ». Avec sa version Rock’n’Roll de la Cène où Jésus et ses apôtres deviennent des stars du rock difformes et assez monstrueuses. On reconnaît, entre autres, Iggy PopMick Jagger (en Christ, d’ailleurs), un Elvis Presley à la looongue tête ou encore Freddy Mercury en extraterrestre de Mars Attack (oui, oui, le film de Tim Burton).  Bref, c’est Rock’n’Roll, c’est Pop, c’est bien !

Michel Achard - La Cène version Rock'n'Roll
Michel Achard – La Cène version Rock’n’Roll

Et puis, dans le genre, est-ce qu’il n’est pas plus « choquant » de voir les personnages de la Cène devenir des rats, pour les besoins d’une publicité pour un raticide ? (Encore que, graphiquement, c’est pas mal fait, je trouve. Pas sûre que ça donne très envie de tuer ces pauvres rats, par contre.)

Les rats, publicité pour le raticide Mortein (agence Euro RSCG de Santiago du Chili)
Les rats, publicité pour le raticide Mortein (agence Euro RSCG de Santiago du Chili)

Mais tout n’est pas que campagne publicité choc, rassurez-vous ! Le cinéma aussi est inspiré par la Cène de Vinci (à moins que ça ne soit le contraire ?) Il s’agit alors d’oeuvres doublement détournées (après les copies de copies de tout à l’heure…) : la fresque originelle est détournée mais le film (ses personnages, son univers…) est également détourné afin de coller à la peinture.

Eric Deschamps, Star Wars Last Supper, 2005
Eric Deschamps, Star Wars Last Supper, 2005

Prenons comme premier exemple un travail d’Eric Deschamps portant sur la saga Star Wars, et loin d’être dénué d’intérêt. En effet, les films de George Lucas ne cessent de multiplier les références religieuses (sans trop m’étendre, toutes les histoires sur la Force, par exemple, sont quand même vachement connotées) et il paraît presque logique de faire le parallèle avec le tableau de Léonard de Vinci ; quand deux piliers de notre culture (certains diront que Star Wars n’a rien à voir avec la culture et ni même avec l’art, mais je ne suis pas du genre à crier « Au diable la sous-culture ! » puisque je ne crois pas en cette dite « sous-culture ») se rencontrent, quand leurs codes se mélangent… ça fonctionne quand même diablement bien.

Pour information, Eric Deschamps a notamment travaillé pour Blizzard Entertainment (entre autres développeurs de World of Warcraft) et Activision (développeurs, eux, de la série de jeux Call of Duty). Autant vous dire que le monsieur connaît bien la culture geek (et est probablement un geek lui-même) et la culture pop. Cela démontre surtout à quel point la peinture de Léonard de Vinci est devenue incroyablement populaire, dépassant largement de seul cadre de l’Art et de son Histoire.

La Cene version The Big Lebowski
La Cene version The Big Lebowski

La Cène a même droit à sa version The Big Lebowski. De là à dire qu’il y a un message derrière tout cela… Je vous laisse seuls juges. Mais je sais que certains ont trouver leur Bible en ce film alors je leur kassdédi l’apparition de cette création dans mon article ;)

Côté cinéma, la Cène apparaît également dans les films 99 francs ou encore Watchmen (mes films préférés… #ironie²) et même comme affiche de The Expandables 2… Allez, je vous la mets pour le plaisir :

La Cene version The Expendables 2
La Cene version The Expendables 2

Mais les séries télévisées, en particulier américaines, ne sont pas en reste, loin de là ! Chacun veut sa Cène. C’est presque un passage obligé. Ah ça ! Ils l’aiment, ce tableau ! Battle Star Gallactica, Lost, Dr House mais aussi les Simpsons ou encore South Park… God bless America ! Jugez plutôt :

La Cene version Dr House
La Cene version Dr House (2008)

Je trouve que c’est avec la série Dr House que le détournement fonctionne le plus correctement d’un point de vue sémantique. Bah oui, dans le genre syndrome de dieu, le toubib le plus caustique de la télévision s’en sort quand même pas mal ! Pourtant, c’est aussi un des détournements que j’ai pu vous montrer où la Cène est la plus suggérée par rapport à l’originale, je trouve. Celle réalisée à partir de Battlestar Galactica me semble plus fidèle, dans l’idée.

La Cène version Battlestar Galactica
La Cène version Battlestar Galactica. (2008)
La Cène version Lost
La Cène version Lost.

De plus, là encore comme pour le cinéma, ce sont aussi certains fans qui produisent des reproductions de la Cène aux couleurs de leur série préférée. Par exemple, l’artiste indonésienne Sheila avec sa version dessinée de Game of Thrones.

La Cène version Game of Thrones
La Cène version Game of Thrones par Sheila, fan et artiste indonésienne

Voici comment une image du XVe siècle est devenue une image emblématique de notre civilisation. Encore une fois, ce cher De Vinci aura réussi à faire fort, jusqu’à inspirer les pubs du XXIème siècle…

D’ailleurs, la Cène n’est pas le seul de ses chefs-d’œuvre a être régulièrement détourné par les artistes ou les médias ; la Joconde, elle non plus, n’est pas en reste et pourrait avoir son propre article dédié, dans le même genre que celui-ci. De même que La Dame à l’Hermine. D’ailleurs, La Cène a été (et est toujours) tellement de fois détournée, revisitée, transformée qu’un site entier est nécessaire pour répertorier toutes ces créations dérivées. N’hésitez pas à aller y jeter un oeil, ne serait-ce que pour voir d’autres représentations : http://www.lacene.fr/

Enfin, je vous laisse sur cette série d’oeuvres diverses qui vous permettra de mieux comprendre qu’un détournement est également possible avec des objets et qu’il s’agit d’un procédé artistique utilisé non seulement par les arts plastiques mais aussi par les arts appliqués. Le but du détournement peut être multiple : modifier le sens de l’objet ou de l’image détournée, changer son usage premier (par exemple, en le rendant inutilisable ou en l’utilisant pour en faire autre chose que ce pour quoi il a été créé), changer son statut (d’objet du quotidien, le faire devenir œuvre d’art, par exemple), etc.


Sources :
http://www.catho-bruxelles.be/Une-derniere-scene.html
http://www.macultureconfiture.com/2010/01/16/la-cene-dhier-a-aujourdhui/
http://art-figuration.blogspot.fr/2013/11/une-copie-de-la-derniere-cene-de.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/La_C%C3%A8ne_%28L%C3%A9onard_de_Vinci%29
http://blog.e-artplastic.net/index.php?


N’oubliez pas de laisser un petit commentaire avant de partir ;) (que l’article vous ait plu ou pas !)
C’est par ici !

Takashi Murakami pour Louis Vuitton : Art, luxe et réussite

En 2009, l’artiste japonais Takashi Murakami collabore avec la célèbre marque française de maroquinerie, Louis Vuitton. Il lui offre un visuel coloré, manga et kawaii sous la forme de pandas et de petites fleurs souriantes.

Murakami et Vuitton : une collaboration surprenante mais réussie

Takashi Murakami et Louis Vuitton, c’est, tout d’abord, une collaboration entamée avec la création d’un nouveau visuel pour la marque ; coloré, à l’image des nombreuses créations de l’artiste japonais, il reprend ce qui a fait son succès. Ainsi n’est-on pas surpris de retrouver les fameux yeux typés manga dont disposent la plupart de ses créatures et, plus particulièrement, de trouver une grande ressemblance entre ce visuel pour L.V. et les Jellyfish Eyes de Takashi Murakami, de même que ses fleurs géantes ou ses multiples champignons, tels Super Nova. S’y ajoute des petites fleurs simples et, bien sûr, le logo désormais célèbre de la marque, un « L » et un « V » entrelacés.

Semblables à de petits clips-art prêts à l’emploi, il ne reste plus qu’à décliner ce monogramme sous toutes les formes et toutes les couleurs. Sur fond clair ou foncé. Multicolore ou monochrome. Tout y passe ainsi que tous les supports.

Etrange réunion de l’art et de la marchandise ? Pas vraiment. Takashi Murakami montre, à travers cette coopération, que l’art est depuis longtemps une marchandise comme les autres et va plus loin encore en mettant volontairement son art au service d’une marque, en s’affichant comme symbole de celle-ci. Ainsi, il est un artiste de son temps ; un temps où tout se vend et s’achète. Pourquoi pas l’art ? Et, surtout, pourquoi s’en cacher ?

Murakami crée-il des œuvres d’art ou produit-il des marchandises ?

Il faut aussi dire la frontière entre l’art et le design s’amincit d’année en année et certains artistes, comme Murakami, au style reconnaissable et facilement déployable en une multitude d’objets, atteignent et charment autant qu’ils sont charmés par ce marché de plus en plus ouvert.

Toutefois, une partie du public voit ce phénomène d’un mauvais oeil, comme une sorte de pacte avec le Diable, presque une trahison : l’art devrait rester l’art, pensent-ils. Le problème avec cette idée, c’est qu’elle est souvent saupoudrée d’un élitisme crasse : l’art devrait rester l’art, parce que l’art est au-dessus des basses considérations humaines. Autrement dit, l’art ne devrait pas se populariser.
Mais ainsi que le disait Andy Warhol, loin d’être en accord avec cette doctrine, et bien qu’on puisse aisément le déplorer, « le summum de l’art est de faire du fric ». Et, de fait, dans les années 60, les artistes du mouvement Pop Art étaient passés maîtres dans l’art de « faire du fric » avec l’art (c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui : il suffit de voir le prix que peut atteindre une sérigraphie de Andy Warhol, justement, sur le marché de l’art). Rien d’étonnant, alors, à ce que les héritiers contemporains de cet art « pop » (entendez  « populaire ») démontrent un talent certain pour faire de même. Takashi Murakami est de ceux-là. Et même si cet état de fait ne plaît pas à une partie du public, il faut bien reconnaître que l’artiste a de quoi s’en ficher royalement : en 2001, il avait déjà vendu une de ces sculptures pour la modique somme de 420 000 euros à New-York. C’était pourtant avant de devenir vraiment internationalement connu, y compris par monsieur et madame tout-le-monde. Avant, par exemple, sa très contestée exposition au Château de Versailles. Avant, aussi, sa collaboration avec Louis Vuitton. Suivie, depuis, par une collaboration avec Marc Jacobs ou encore la marque de bonbons Frisk. Aujourd’hui, Takashi Murakami est aussi célèbre que ses non moins controversés collèges Jeff Koons ou Damien Hirst.

Les produits de la collection Murakami

La marque Louis Vuitton décline le visuel de Takashi Murakami sur tous ses articles. Sac, bagages, porte-monnaie et même porte-clefs. La gamme Takashi Murakami est née et va s’étendre à tous les articles proposés par le catalogue de Louis Vuitton. On voit même apparaître sur certains articles la fameuse fleur de cerisier, symbole le plus connu attaché au Pays du Soleil Levant.

La marque française a, bien entendu, trouvé un filon en pleine expansion car le Japon est très à la mode dans l’Hexagone depuis déjà longtemps et l’attraction autour de l’archipel ne cesse de croitre. Or, Takashi Murakami représente ce qui fait, aujourd’hui, tout l’intérêt du Japon aux yeux du plus grand nombre : le manga et ses explosions de couleurs, ses univers édulcorés mais étranges, chimériques, parfois perturbants, utopiques et magiques,… C’est l’image d’une sorte de pays idéal (mais pas parfait) qu’il transmet.

Ce sont tous ses codes qui sont repris par l’artiste dans son œuvre et qu’il insuffle au visuel développé pour la marque Louis Vuitton.

Takashi Murakami se charge également de réaliser des films de quelques minutes, sortes de petits clips musicaux, dans lesquels il vente les mérite de la marque à sa façon. Dans ses créations audio-visuelles, Louis Vuitton devient un petit paradis utopique où des jeunes filles rencontrent l’amour et des petits personnages colorés et attachants.


Sources :
Mon site non-officiel consacré à Takashi Murakami