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Anna Coleman Ladd : Rendre un visage aux Gueules Cassées

Cette année, en France, nous célébrons le centenaire de la Grande Guerre. Ou, plus exactement, le centenaire de la fin de la Grande Guerre. L’occasion pour moi de vous parler d’une artiste méconnue qui a pourtant participé, à sa façon, au retour à la vie civile de nombreux Poilus : Anna Coleman Ladd. Elle accompagna une transition difficile dans l’existence de ces soldats à jamais marquée par les horreurs du conflit. Une transition d’autant plus compliquée pour ceux que l’on surnommera les « Gueules Cassées ».

Sommaire :

  1. Qui était Anna Coleman Ladd ?
  2. Anna Coleman Ladd : rendre un visage aux Poilus défigurés
  3. Pourquoi le travail d’Anna Coleman Ladd était-il si important ?
  4. L’Après-Guerre et la vie en lambeaux des Gueules Cassées
  5. La revanche des Gueules Cassées : « Sourire quand même » !
  6. Photographies prises dans le studio d’Anna Coleman Ladd
  7. Sources

AttentionCet article contient des images pouvant choquer et être particulièrement dures à regarder. Je ferai en sorte de mettre les images me paraissant les plus « choquantes » en fin d’article mais je préfère quand même vous prévenir avant : qui dit « Gueules Cassées » dit mutilations, parfois sévères, du visage, qui peuvent heurter la sensibilité, notamment des plus jeunes.


Qui était Anna Coleman Ladd ?

Portrait d'Anna Coleman Ladd
Portrait d’Anna Coleman Ladd

Anna Coleman Watts Ladd, ou (un peu) plus simplement, Anna Coleman Ladd, est une femme que peu de gens connaissent et qui a pourtant participé à rendre la vie des Gueules Cassées de la Première Guerre Mondiale plus supportable. Comment, me direz-vous ? En leur rendant leur visage, rien de moins !

Anna Coleman Ladd est une sculptrice américaine née à Philadelphie en 1878. Elle a étudié la sculpture à Paris et à Rome.

C’est depuis Boston, où elle vit, qu’elle entend parler du travail de Francis Derwent Wood, à Londres, qui aide les soldats défigurés par la guerre en leur confectionnant des masques. Grâce à lui nait « the Masks for Facial Disfigurement Department » (le département des masques pour la défiguration du visage), plus connu sous le nom de « Tin Noses Shop » (le Magasin de nez en étain).

En 1917, Anna Coleman Ladd rejoint son mari à Paris et y crée son propre studio, sur le modèle du Tin Noses Shop, en collaboration avec la Croix Rouge américaine qui se trouve sur place. Grâce à sa correspondance avec Francis Derwent Wood, elle apprend comment procéder. En effet, si elle est sculptrice, son travail est alors très éloigné du travail qu’elle entreprend à Paris car elle sculpte essentiellement des personnages mythologiques et ses œuvres ornent principalement des fontaines.

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Anna Coleman Ladd : rendre un visage aux Poilus défigurés

Mais Anna Coleman Ladd apprend, à n’en pas douter. De nombreuses photographies montrent les résultats de son travail auprès des Gueules Cassées et ils sont troublants. L’artiste parvient à rendre un visage à des hommes souvent gravement défigurés. Elle pousse le détail jusqu’à recréer leur moustache.

Pour parvenir à de tels résultats, Anna Coleman Ladd s’aide d’anciennes photographies des Poilus, avant qu’ils ne soient mutilés. Elle peint les masques directement apposés sur les visages de ces hommes afin de leur donner la carnation la plus fidèle possible.

Chaque masque est différent, répondant au besoin spécifique de chaque blessé. Certains ont perdu presque la moitié de leur visage, d’autres n’ont plus de nez ou ont perdu un œil. Anna Coleman Ladd comble les manques.

Des soldats venus fêter Noël au studio d'Anna Coleman Ladd en 1918. Certains portent encore des bandages, d'autres portent leur nouveau visage.
Des soldats venus fêter Noël au studio d’Anna Coleman Ladd en 1918. Certains portent encore des bandages, d’autres portent leur nouveau visage.

Le but est d’offrir à ces soldats blessés la possibilité de sortir à nouveau de chez eux, presque comme avant la guerre, sans avoir à souffrir du regard des autres. Il est aussi de leur permettre de retrouver leurs proches, pour lesquels la vue de ces mutilations est parfois trop dure à supporter. D’autant plus que même les autorités leur demandent de ne pas trop exposer leurs blessures, pour ne pas démoraliser le pays…

« Un homme qui était venu nous voir avait été blessé deux ans auparavant et n’était jamais rentré à la maison », selon un rapport du studio d’Anna Coleman Ladd, datant de 1919. « Il ne voulait pas que sa mère voit à quel point il était en mauvais état.
De tout son visage, il ne restait qu’un seul œil, et après 50 opérations… il est venu à nous », dit le rapport. « Les gens s’habituent à voir des hommes avec les bras et les jambes manquants, mais ils ne s’habituent jamais à un visage anormal. »

(Traduit de l’anglais. Source : The Washington Post, « An American sculptor’s masks restored French soldiers disfigured in World War I », 22 septembre 2014)

Anna Coleman Ladd en profite pour apprendre à les connaître, autour d’une tasse de thé ou d’un chocolat chaud. Le studio est fleuri et décoré pour offrir un cadre accueillant et chaleureux aux blessés.  Plus qu’un nouveau visage, l’artiste essaye de leur rendre une dignité qui a parfois disparu dans les affres de la guerre. Grâce à cela, elle s’emploie à choisir l’expression qui conviendra le mieux aux hommes qu’elle « soigne », à sa façon. Cette expression sera peut-être la dernière qu’ils arboreront jamais, grâce à leur masque. Il est donc crucial de bien la choisir.

Moules en plâtre d’Anna Coleman Ladd. On peut y voir les différentes étapes du travail de l'artiste : en haut, le visage des soldats blessés, tels qu'ils arrivent au studio. Au milieu leur visage remodelé par l'artiste. En bas le masque final, qui viendra couvrir les parties du visage abîmé au combat.
Moules en plâtre d’Anna Coleman Ladd.
On peut y voir les différentes étapes du travail de l’artiste : en haut, le visage des soldats blessés, tels qu’ils arrivent au studio. Au milieu leur visage remodelé par l’artiste. En bas le masque final, qui viendra couvrir les parties du visage abîmé au combat.
Masques réalisés par le studio d'Anna Coleman Ladd.
Masques réalisés par le studio d’Anna Coleman Ladd.

Avant que la Croix Rouge ne soit plus en mesure de soutenir le studio, Anna Coleman Ladd créera presque deux cents masques avec l’aide de ses quatre assistants (notamment, une autre femme artiste, sculptrice, Jane Poupelet que vous pouvez voir ci-dessous). Héroïne méconnue de la Première Guerre Mondiale, elle sera tout de même couronnée de la Légion d’Honneur pour son travail.

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Pourquoi le travail d’Anna Coleman Ladd était-il si important ?

Comme l’expliquent eux-mêmes certains Blessés de la Face, qu’ils fassent partie des Gueules Cassées ou aient été blessés d’autres façons, une mutilation du visage est une blessure très particulière (vous pouvez par exemple voir des témoignages de blessés de la face dans ce court documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=rMemw-wVNo8). Elle atteint la personne dans son intégrité, son individualité, son image – autant celle qu’il se fait de lui-même que celle qu’il renvoie aux autres. Une telle blessure peut remettre en question l’humanité même de la personne blessée. Ainsi, pour parler des Gueules Cassées les adjectifs utilisés font partie du champ lexical de l’horreur : « monstrueux », « difforme », « ignoble »…

« Lorsque nous marchons dans la rue, lorsque nous prenons le bus ou le métro, voyant les autres, nous éprouvons spontanément leur présence comme présence humaine. Cette évidence, je l’ai rappelé, est essentiellement due au fait qu’ils ont un visage. Un visage, c’est-à-dire non seulement une face qui présente deux yeux, un nez, une bouche, mais une face que nous percevons comme singulière, chacune distincte de celles qui l’entourent ; et une face manifestant des expressions, c’est-à-dire témoignant d’une attitude, d’une manière d’être, d’un sentiment, d’une intention – de ces états que l’on attribue à une personne. »


Source : Flahault François, « De la face au visage », Les cahiers de médiologie, 2003/1 (N° 15), p. 33-40.

Si ce type de mutilations nous choque tant, c’est que le visage est la première chose que nous voyons d’une personne. L’observation de ce visage nous permet de déterminer tout un tas de choses sur l’individu que l’on rencontre ou que l’on côtoie : ses émotions (et donc les nôtres, en retour), son honnêteté, ses intentions parfois, etc.

Dès notre plus jeune âge, nous apprenons à décrypter, petit à petit, les expressions faciales des gens qui nous entourent. Nous commençons généralement par nos parents, nos proches, puis nos amis. Un beau jour, nous finissons tous par croiser quelqu’un dont « la tête ne nous revient pas ». Notre instinct nous souffle que, non, décidément, avec cette personne-là, ça ne va pas le faire. Ou, au contraire, nous découvrons un visage qui va attirer toute notre attention.

Otto Dix, Les joueurs de Skat, 1920, Huile sur toile et collage, 100 x 87 cm, Galerie Nationale, Berlin.  Tableau souvent choisi pour illustrer l'horreur des mutilations subies par les soldats au cours de la Grande Guerre. Otto Dix était un artiste allemand et témoignait donc des mêmes horreurs en Allemagne qu'en France : des hommes broyés par la guerre, transformés malgré eux en monstres.
Otto Dix, Les joueurs de Skat, 1920, Huile sur toile et collage, 100 x 87 cm, Galerie Nationale, Berlin.
Tableau souvent choisi pour illustrer l’horreur des mutilations subies par les soldats au cours de la Grande Guerre. Otto Dix était un artiste allemand et témoignait donc des mêmes horreurs en Allemagne qu’en France : des hommes broyés par la guerre, transformés malgré eux en monstres.

Mais que se passe-t-il si l’on n’a plus de visage ? On entre dans le domaine du monstre. Le monstre n’est pas qu’une créature fantastique de mythes, de légendes ou de romans. C’est l’inconnu, l’étrange, le chaos. C’est ce qui sort de la norme, ce qui est différent de nous ou de ce que nous connaissons. John Merrick, le célèbre Elephant Man, par exemple, a pu être considéré comme un monstre alors qu’il n’était qu’un homme malade. Dans le film de David Lynch, inspiré de sa vie, on voit bien que le monstre naît d’abord dans le regard de l’autre : Elephant Man est un monstre parce qu’il est différent des autres, parce qu’il est « anormal » (en dehors des normes) aux yeux des autres. Comme lui, les soldats défigurés deviennent, malgré eux, des monstres : nous voyons en eux des êtres humanoïdes qui nous ressemblent, mais n’ont plus de visage. Leur difformité nous inquiète immédiatement parce que nous n’y trouvons pas nos repères habituels. Cela peut pousser certaines personnes au rejet pur et simple. D’autres, passé le sentiment de surprise, seront capables de passer outre (et heureusement !). Mais le plus triste est de constater que de nombreux services de blessés de la face, tout comme le studio d’Anna Coleman Ladd, témoignent d’un même fait : on n’y trouvait pas de miroir. Le monstre naissait aussi, parfois, dans le regard même des blessés.

« Les mémoires d’Henriette REMI, infirmière en Allemagne, et de Katherin BLACK, infirmière en Grande-Bretagne, témoignent de l’absence de miroirs dans les services de blessés de la face. Katherin BLACK relate le cas d’un soldat défiguré par un éclat d’obus retardant la visite de sa fiancée, de peur qu’elle ne voie son visage. Il lui écrivit finalement qu’il était tombé amoureux d’une fille à Paris et souhaitait mettre un terme à sa relation. Henriette REMI narre quant à elle la souffrance d’une femme incapable d’embrasser son mari défiguré et le cas d’un enfant effrayé fuyant son père. »

Source : Colloque « Gueules Cassées, un nouveau visage », Synthèse des débats, 17-18 octobre 2014, Ecole Militaire, Paris

Parmi les films récents qui illustrent le recours aux masques par les Gueules Cassées après-guerre, on trouve notamment Au-revoir là-haut, d’Albert Dupontel, adaptation de l’œuvre éponyme de Pierre Lemaitre, Prix Goncourt 2013. Je ne peux que vous conseiller le visionnage de ce film aux 5 Oscars, où l’un des personnages principaux est une Gueule Cassée, portant des masques pour pouvoir à nouveau exprimer ses émotions, ses sentiments, son humanité. Le film traduit de façon très poétique, je trouve, le recours à ces prothèses.

« En sauvant son ami Albert Maillard (Albert Dupontel), alors promis à une mort certaine, enseveli vivant sous un amas de terre suite à un bombardement, Edouard a la mâchoire emportée par un éclat d’obus. Il vient grossir les rangs de ceux que l’on surnomma les gueules cassées. Incapable de pouvoir exprimer ses émotions, privé de ce qui faisait son identité, Edouard a recours aux masques, qui se chargeront d’exprimer ses émotions et ses différents états au cours du film. »

Source : Olivier Pallaruelo pour Allociné – « Au revoir là-haut : des gueules cassées à l’impossible deuil de 14-18 », 3 mars 2018

Scène tirée d'Au-revoir là-haut.
Scène tirée d’Au-revoir là-haut.

Anna Coleman Ladd à Paris, comme Francis Derwent Wood, à Londres, vont faire en sorte de rendre un peu de « normalité » aux blessés de la face, à une époque où la chirurgie plastique et la chirurgie réparatrice n’en sont encore qu’à leurs balbutiements (notamment en France). Le beau n’est pas tant l’objectif que la norme : une bouche, un nez, deux yeux est la recette simple d’un visage réussi pour pouvoir connaître une vie sociale à peu près normale. C’est aussi dans ce but que la chirurgie esthétique œuvrera et se développera, dans un premier temps.

« La guerre de 1914 fournit aux chirurgiens français plus de mutilations et, surtout, plus de mutilations faciales qu’ils n’en virent auparavant durant plus de cent années. Pendant cette période, une section spéciale de soins chirurgicaux est créée pour intervenir auprès des soldats mutilés, les « gueules cassées ». Elle devient rapidement un lieu d’innovation pour la chirurgie de la face, de la tête et du cou, et les traitements réparateurs sont l’occasion de mettre au point ou de perfectionner un certain nombre de techniques (ligatures des artères du cou, trachéotomie, immobilisation des fragments mandibulaires, extraction de corps étrangers orbitaires ou oculaires, etc.) »

Source : Guirimand Nicolas, « De la réparation des « gueules cassées » à la « sculpture du visage ». La naissance de la chirurgie esthétique en France pendant l’entre-deux-guerres », Actes de la recherche en sciences sociales, 2005/1 (n° 156-157), p. 72-87.

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L’Après-Guerre et la vie en lambeaux des Gueules Cassées

Dans la guerre de tranchées, c’est le visage des Poilus qui est le plus facilement exposé aux tirs ennemis. Ceux-ci ne se trouvent souvent qu’à quelques centaines de mètres à peine, dans la tranchée d’en face. Les uns et les autres s’observent en passant la tête. Un coup de feu suffit pour faire de terribles dégâts. Et les casques ne protègent qu’une partie de la tête des soldats.
On assiste également au développement d’armes nouvelles qui vont grandement contribuer à l’apparition de blessures que les médecins n’ont alors jamais vues : les obus et leurs éclats dévastateurs, le shrapnel mais aussi les lance-flammes, par exemple.
La Grande Guerre est une boucherie, à bien des égards.

« Les armes de gros calibre de la guerre d’artillerie, capables de pulvériser les corps en fragments irrécupérables, et les retombées mortelles d’éclats d’obus avaient clairement montré, dès le début de la guerre, que la technologie militaire de l’humanité dépassait de loin ses capacités dans le domaine médical. (…) De plus, la nature même de la guerre de tranchées s’avérait diaboliquement propice aux blessures au visage : « les soldats ne comprenaient pas la menace de la mitrailleuse », se souvient le Dr Fred Albee, chirurgien américain travaillant en France. « Ils semblaient penser qu’ils pourraient lever la tête au-dessus d’une tranchée et agir assez rapidement pour éviter la pluie de balles. »

(Traduit de l’anglais. Source : Smithsonian, « World War I: 100 Years Later – Faces of War », Février 2007)

La chirurgie plastique n’existe pas encore et les réparations que l’on peut alors faire sont très limitées. Les médecins se retrouvent dans une situation inédite : ils sont en mesure de sauver la vie des soldats mais ils sont incapables de réparer les mutilations subies. L’auteur anglais Ward Muir, qui travailla dans un hôpital en temps de guerre, écrit en 1918 :

« Hideux est le seul mot pour décrire ces visages brisés. » (“Hideous is the only word for these smashed faces.”)

(Traduit de l’anglais. Source : The Washington Post, « An American sculptor’s masks restored French soldiers disfigured in World War I », 22 septembre 2014)

De nos jours, les chirurgies lourdes de la face se sont développées. On parvient même à greffer des visages quand les dégâts sont vraiment très importants. Mais le résultat est encore loin d’être parfait. La rééducation est très longue et la repousse des nerfs sectionnés l’est plus encore. Il faut aussi espérer que la greffe fonctionne et que le patient ne subisse pas un rejet. Bref, un siècle après la fin de la Première Guerre Mondiale, nous sommes encore très loin d’être capables de réparer des visages mutilés. Cela nous permet d’imaginer le désarroi des médecins d’alors…

A leur retour du front, loin d’être toujours traités en héros de guerre, les Gueules Cassées sont parfois rejetés de tous. Certains deviennent de véritables parias ou se terrent dans la solitude. D’autres ne sortiront jamais des centres de soin, trop lourdement handicapés par leurs mutilations ou sujets à des séquelles psychologiques graves. Le traumatisme de la Première Guerre Mondiale crée une génération de « taiseux », comme on les appelle par chez moi : des hommes qui parleront peu des horreurs qu’ils ont vues, qu’ils ont vécues. Parce que les mots ne sauraient suffire, sans doute.

« Saignée à blanc, la France a payé un lourd tribu lors de la Grande Guerre : 1,4 millions de soldats tués ou disparus, plus de 4,2 millions de soldats blessés, 300.000 civiles tués. On estime à environ 300.000 hommes, ni vivants ni déclarés morts, qui manquent à l’appel à l’heure de l’armistice. Rapidement, le terme même de « disparu » devient synonyme de décédé, et l’on parle désormais de « chers disparus » pour évoquer l’ensemble des victimes du conflit, en confondant les morts avérés et les morts supposés. Aucune distinction n’est d’ailleurs perceptible sur les monuments aux morts : les uns et les autres sont rassemblés dans un hommage commun puisque aucune catégorisation ne peut entamer l’unité du sacrifice. »

Source : Olivier Pallaruelo pour Allociné – « Au revoir là-haut : des gueules cassées à l’impossible deuil de 14-18 », 3 mars 2018

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La revanche des Gueules Cassées : « Sourire quand même » !

Parallèlement, se crée l’Union des Blessés de la Face. Une association qui va venir en aide aux Gueules Cassées qui, souvent considérées comme aptes au travail et donc valides, n’ont droit à aucune pension d’invalidité.

« L’Association est née le 21 juin 1921 de la volonté de ses trois fondateurs, le Colonel Picot, Bienaimé Jourdain et Albert Jugon. Ils se choisissent une devise porteuse d’espoir : « Sourire quand même » !« (…)
« Il convient de se rappeler que la France des années 20 était encore essentiellement rurale. Le Code des Pensions militaires d’Invalidité ne prévoyait pas d’indémnisation pour ce type de blessure car les soldats blessés à la face pouvaient, avec leurs bras et leurs jambes, retourner travailler aux champs. »

Source : « Les Gueules Cassées : Sourire quand même », Interview de Henri Denys de Bonnaventure, Président de l’UBFT.

L’Union des Blessés de la Face va alors avoir une idée révolutionnaire pour aider ses membres : lancer ce qui deviendra le Loto que nous connaissons encore aujourd’hui. On l’appelle d’abord La Dette puis la Loterie Nationale et les bénéfices qu’elle engendre permettent d’acheter et d’entretenir, notamment, deux domaines (le Château de Moussy-le-Vieux, proche de Roissy-en-France et le Domaine du Coudon) où les Gueules Cassées réapprennent à vivre en société et travaillent entre deux opérations chirurgicales.

« Beaucoup de témoignages contredisent néanmoins l’idée négative selon laquelle les blessés de la face auraient été considérés comme des monstres sans espoir, condamnés à finir à être abandonnés de tous. (…)

En France, le décret du 28 février 1925 ajouta au barème de 1919 une mention de défiguration selon le degré d’importance (de 10 à 60 %). Ce changement n’intervint qu’après une longue campagne des Gueules Cassées.
Certaines d’entre elles étaient exaspérées par le refus symbolique de reconnaissance de leur sacrifice pour la patrie. Les Gueules Cassées ont su faire preuve d’humour et d’entraide. Le nom des Gueules Cassées lui-même témoigne de cette volonté de sourire. La Greffe générale, journal des blessés du Val-de-Grâce, témoigne d’une volonté de dérision, à travers des articles sur la vie quotidienne à l’hôpital et les dessins satiriques.(…)

L’humour, les bons mots et les plaisanteries sont des armes de la lutte contre le cafard. Certains termes deviennent des codes connus des seules Gueules Cassées.
Le journal d’Henriette REMI dépeint l’entraide entre blessés, les voyants guidant les aveugles ou écrivant des lettres pour eux. Elle relate le cas d’un blessé laissant un camarade choisir pour lui son nouveau nez.
L’esprit de camaraderie est renforcé par l’expérience d’une blessure au visage partagée et de longs mois de soins à l’hôpital.(…)

Les vétérans qui ont choisi de vivre loin du regard du public, comme ceux qui emménagèrent au château de Moussy-le-Vieux, sont finalement peu nombreux. En France, les appels aux récoltes de fonds pour les Gueules Cassées ont été bien reçus dans l’opinion publique. Les Gueules Cassées entretinrent des relations harmonieuses avec l’Etat, auxquelles la présence du Colonel Yves PICOT au gouvernement contribua. »

Source : Colloque « Gueules Cassées, un nouveau visage », Synthèse des débats, 17-18 octobre 2014, Ecole Militaire, Paris

De nos jours, l’Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBTF) existe toujours et vient également en aide aux policiers, gendarmes ou pompiers blessés en service. Ils prennent aussi soin des veuves des blessés, qui perdent la pension de leur mari à leur décès, en apportant notamment un complément à la pension de veuve de guerre, bien moindre, qu’elles touchent alors. Tout ça grâce à la création de leur Loto, des décennies plus tôt.

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Photographies prises dans le studio d’Anna Coleman Ladd

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Sources :

L’Histoire par les Femmes : « Anna Coleman Ladd, sculptrice de visages »
The Washington Post, « An American sculptor’s masks restored French soldiers disfigured in World War I »
Daily Geek Show : « Anna Coleman Ladd, la femme qui rendait un visage aux soldats défigurés »
Smithsonian, « World War I: 100 Years Later – Faces of War », Février 2007
Les Gueules Cassées – UBFT
Gueules cassées — Wikipédia

Nick Cave : Des costumes qui dansent, chantent et font de la musique

Nick Cave ou Nick Cave ?

L'artiste Nick Cave posant avec l'un de ses Soundsuits.
L’artiste Nick Cave posant avec l’un de ses Soundsuits.

Nicholas Edward Cave, dit Nick Cave, est un artiste australien, chanteur du groupe Nick Cave and the Bad Seeds… FAUX ! Ca n’est pas de ce Nick Cave là dont nous allons parler mais de son homonyme, Nick Cave, artiste américain, à la fois plasticien, danseur et directeur de la section mode de la School of art Institute de Chicago. Plus particulièrement, nous allons nous intéresser à ses Soundsuits (costumes sonores). Et oui, c’est Mardi Gras, l’occasion idéale pour parler costumes et déguisements !

Les Soundsuits de Nick Cave : Présentation

Les Soundsuits sont des déguisements, des costumes que crée Nick Cave. Ils sont fabriqués à partir d’éléments hétéroclites qui, par leur association, transforment plus ou moins les formes du corps de celui qui porte le costume, lui donnant une allure étrange de créature venue d’ailleurs.

Mais ce qui fait vraiment la particularité de ces déguisements, comme l’indique leur nom, c’est qu’ils produisent du son. En bougeant, en remuant, le porteur du costume crée du bruit grâce à la friction ou au mouvement des différents éléments qui composent son Soundsuit.

Chaque Soundsuit est différent et produit plus ou moins de son. Cela dépend du mouvement du danseur qui le porte ou de ce dont il est fait.

Pour réaliser ces œuvres fantasmagoriques, Nick Cave utilise essentiellement des matériaux et des objets de récupération.

Généralement, les Soundsuits sont présentés comme des sculptures dans les différentes expositions (les costumes sont portés par des mannequins comme dans une boutique de prêt-à-porter), accompagnées de vidéos mettant en scène les costumes. Plus rarement, il est possible de les voir « en live ». Ce fut le cas en France lors de la parade d’ouverture de Lille 3000 en 2012.

Les Soundsuits de Nick Cave : Inspirations

Mais à quoi peuvent bien servir ces costumes bruyants et loufoques ? On ne va quand même pas porter ça ? Sinon, en quoi c’est de l’art ? C’est généralement les premières questions qui viennent à l’esprit du spectateur qui découvre les Soundsuits. Est-ce que c’est juste pour le fun ?

Des costumes de carnaval ?

On peut en effet penser aux costumes bariolés et amusants des carnavals en voyant les Soundsuits. Les gens s’amusent ainsi avec des accoutrements plus ou moins étranges depuis des siècles. Revêtir un costume, c’est devenir quelqu’un d’autre, c’est devenir qui l’on veut ou n’importe qui. Cela est particulièrement libérateur et c’est pourquoi le déguisement est souvent synonyme de fête, de plus ou moins de débauche, mais aussi de bien des mystères (mais qui se cache sous ce masque ? Hum…).

Albert Lynch, Le Bal Masqué, Peinture à l'huile sur bois, 61 x 49,5 cm, 1851-1912
Albert Lynch, Le Bal Masqué, Peinture à l’huile sur bois, 61 x 49,5 cm, 1851-1912

A priori, le carnaval de Rio n’a rien à voir avec celui de Venise, tout comme aucun d’eux n’a à voir avec celui de Dunkerque, en terme de costumes. Pourtant, reste la même idée de se travestir, de se dissimuler sous un masque, un maquillage ou un costume et de faire la fête. C’était déjà le cas dans les bals masqués d’antan, où l’on s’amusait volontiers à faire semblant d’être une déesse de la mythologie gréco-romaine alors qu’on était en réalité une femme de la Cour – ou au XIXème siècle, quand un simple masque suffisait à tromper son épouse en toute liberté sans pourtant duper quiconque, en réalité. Le port du costume est l’occasion de devenir quelqu’un d’autre et donc de pouvoir faire des choses que l’on ne s’autoriserait pas habituellement.

Si le costume est donc souvent synonyme de fête, d’amusement, de « fun », il n’en possède pas moins un intérêt plus profond, qui dit beaucoup sur la nature de l’Homme. Étrangement, dissimuler notre corps ou notre visage nous permet de montrer des choses de nous-mêmes que nous ne montrerions pas sous notre véritable apparence. Et, en effet, « il y a certaines choses que l’on cache pour les montrer », comme le disait Montaigne.

Des costumes rituels ?

Créer des costumes, c’est forcément s’ancrer dans la longue histoire des déguisements en tout genre. C’est aussi tisser des liens avec tous les costumes sacrés, rituels, traditionnels… qui ont accompagné l’histoire de notre civilisation et existé chez tous les peuples du monde jusqu’à nos jours. Nick Cave n’échappe pas à cette règle.

Les costumes de Nick Cave transforment ceux qui les portent en créatures étranges, au visage le plus souvent masqué qui les rendent anonymes. Les porteurs deviennent dès lors plus humanoïdes qu’humains et suscitent alors le sentiment d’une inquiétante-étrangeté : leurs couleurs vives, pop, lumineuses, sont attirantes, attrayantes, tandis que la forme globale des costumes brouille les formes du corps, le rendant étrange, inhabituel, difforme parfois. Nous sommes dans un entre-deux qui n’est pas sans rappeler celui des rêves, de l’imaginaire, du fantastique où tout est à la fois possible et un peu bizarre.

Le bruit produit par les costumes n’a pas un but mélodique : c’est seulement du bruit, une cacophonie plus ou moins forte en fonction des costumes. Ce sont des bruits qu’un corps humain est incapable de produire de lui-même, sans accessoire. Les costumes demandent d’être portés en bougeant, en remuant, en dansant… Cela a quelque chose de festif (comme dans le cas de Lille 3000 où les costumes de Nick Cave furent d’abord présentés pour l’ouverture des expositions, sous la forme d’un défilé qui évoquait à la fois le monde de la mode mais aussi les carnavals dont la région est friande) mais évoque aussi certaines danses rituelles aux rythmes entêtants qui, à nos yeux d’occidentaux, peuvent paraître presque inquiétantes. Est-on face à une sorte de rituel vaudou ? Quelle puissance supérieure ces danseurs sont-ils en train d’invoquer ? A moins qu’ils ne soient, eux-mêmes, les créatures d’un mythe inconnu dans nos contrées ? On peut se poser la question devant certains costumes faits de branchages et qui peuvent faire penser à des monstres de la culture populaire comme le Bigfoot ou le Yeti. Quand d’autres costumes, eux, ont tout du Cousin Machin multicolore à la silhouette déformée. Les Soundsuits semblent appartenir à plusieurs époques et cultures, et ne s’attacher véritablement à aucune au final en les réunissant toutes à la fois.

L'artiste Nick Cave posant avec ses Soundsuits.
L’artiste Nick Cave posant avec ses Soundsuits.

Heureusement, les couleurs pimpantes des costumes font surtout naître un sentiment de joie chez les spectateurs. Et elles s’entremêlent gaiement au rythme des danses qu’interprètent leurs porteurs. Nous sommes en présence de monstres-gentils, comme sortis d’un cartoon qui aurait trop forcé sur le LSD. On assiste à un spectacle aux tendances psychédéliques qui peut évoquer la période Hippie et ses danses destructurées, bercées par une musique devenue parfois étrange pour nos oreilles contemporaines. Les couleurs utilisées et les motifs des costumes ne sont pas non plus sans rappeler la période fantasque des seventies où toutes les folies semblaient possibles. Les Soundsuits fonctionnent alors comme un exutoire, probablement autant pour l’artiste, le porteur du costume et le spectateur.

Peace and love, alors, les costumes de Nick Cave ?

Des costumes pour dénoncer ?

Pas tout-à-fait. Car dans les années 1990, Nick Cave crée son premier « Soundsuit » en réponse au passage à tabac par des policiers que subit Rodney King en 1991 et qui est suivi d’un épisode de violentes émeutes aux États-Unis. Rodney King est afro-américain et les violences que lui infligent les policiers sont aussitôt considérées comme une attaque raciste tandis que la vidéo de son arrestation musclée fait le tour des télévisions américaines. Cela fait écho à des histoires bien plus récentes que celle-ci. Le problème ne date donc pas d’hier et n’est toujours pas prêt d’être réglé…

Nick Cave est particulièrement marqué par cette histoire. D’autant plus qu’il est lui aussi afro-américain.

Or, l’artiste décrit ses Soundsuits comme une « seconde peau ou une armure » qui invoque le pouvoir transformateur et libérateur de la musique et de la danse. Les Soundsuits recouvrent complètement le corps et le déforment. Les matières, les matériaux, les objets qu’utilise Nick Cave pour les fabriquer, transforment presque le danseur en forme abstraite lorsqu’il bouge. Il suffit de faire un arrêt sur image d’une vidéo mettant en scène ses costumes pour en avoir le cœur net (je vous mets deux de ces vidéos ci-dessous). Peu importe finalement le danseur : il est tout le monde et n’importe qui ; il n’a plus d’origine, de statut social, d’âge, de sexe… Il devient autre chose. Une créature dansante. Une masse de couleurs, de bruits, de matières qui bougent. Une sculpture mouvante. Une performance mêlant différents arts visuels, différentes cultures, évoquant le passé, l’imaginaire, la fête… Il devient œuvre. Il devient art.

Plus que des costumes pour dénoncer, ce sont donc davantage des costumes pour rassembler et libérer ; pour montrer le monstre que nous avons tous en nous et qui, finalement, ne demande qu’à être libéré de temps en temps dans la joie et la bonne humeur.


Sources :
Lille 3000, le Nord en version FAntAstic avec le plasticien Nick Cave
Soundsuit, Nick Cave | Mia
Les soundsuits de Nick Cave – Le Beau Bug
Nick Cave – Collectif Textile

Franz Xaver Messerschmitt et ses têtes mystérieuses

Fraîchement de retour de Vienne avec, dans mes bagages, de bien belles découvertes artistiques. L’une d’elles est l’occasion idéale pour moi de vous proposer mon traditionnel article d’Halloween : nous allons aujourd’hui parler de l’artiste autrichien Franz Xaver Messerschmitt. Plus exactement, nous allons le découvrir à travers une de ses œuvres, particulièrement intrigante : Character Heads (qu’on peut traduire par « têtes de caractère » en français).

L’œuvre de Franz Xaver Messerschmitt qui fait tourner les têtes !

Ah, Halloween… La fête des monstres en tout genre, des histoires d’horreur, des déguisements et des bonbons… Mais aussi des farces ! Combien d’enfants dans le monde vont, le jour d’Halloween, aller sonner chez leurs voisins pour réclamer des friandises en s’écriant avec leur plus belle grimace : « Des bonbons ou un sort !!! »
Et oui, aujourd’hui, on va parler grimaces.

L’œuvre qui va nous intéresser s’intitule Character Heads et a été réalisée par Franz Xaver Messerschmitt vers 1771. C’est une série de sculptures — des bustes, pour être exacte — de têtes grimaçantes. Elles sont une quarantaine et chacune est différente de l’autre. Le personnage n’est pas toujours le même et les expressions faciales sont toutes différentes.

Cette œuvre de Franz Xaver Messerschmitt est aujourd’hui exposée au Palais du Belvédère à Vienne. Une salle lui est consacrée dans une des ailes de cette ancienne demeure impériale, tant elle intrigue encore aujourd’hui. Il faut tout de même savoir que Messerschmitt n’était pas n’importe quel artiste : c’était un célèbre portraitiste de la cour de Vienne, qui a aussi bien représenté les membres de l’aristocratie que les intellectuels de l’époque. Il fut aussi professeur-adjoint à l’Académie royale de Vienne.

Alors, certes, cette œuvre semble surtout fun à première vue mais est-ce seulement ça ? Voyons voir ce qui la rend plus énigmatique.

Franz Xaver Messerschmitt avait-il perdu la tête ?

Cartel des Character Heads de Franz Xaver Messerschmitt au palais du Belvédère (Vienne).
Cartel des Character Heads de Franz Xaver Messerschmitt au palais du Belvédère (Vienne).

C’est la question que se sont posés les historiens si l’on en croit le cartel du musée du Belvédère (voir ci-contre) qui se trouve à l’entrée de la salle des bustes. On y évoque la possibilité que Messerschmitt ait pu développer une certaine forme de folie, une maladie mentale ou une dystonie (« trouble moteur caractérisé par des contractions musculaires intenses et involontaires, prolongées, qui provoquent des attitudes et des postures anormales, de tout ou partie du corps » nous indique Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Dystonie_(trouble_moteur)). Et c’est ce qui rend intrigantes ses têtes caractérielles. On pense que Messerschmitt a pu souhaiter représenter les expressions que son visage prenait lors de crises provoquées par des troubles psychiques.

Quand ton pote te dit qu'il a l'impression d'être persécuté par des esprits, OKLM.
Quand ton pote te dit qu’il a l’impression d’être persécuté par des esprits, OKLM.

Il semble que ce sont ces troubles qui l’empêcheront d’obtenir le poste de professeur qui devait lui revenir, à la mort de son prédécesseur. « Son ami Friedrich Nicolai, écrivain et philosophe, (…) écrit que l’artiste se disait persécuté par des esprits qui le faisaient souffrir moralement et physiquement, notamment dans le bas-ventre et les cuisses. » (Source)

Étonnant ? Inquiétant ? Pas tant que ça quand on sait que même les cauchemars ont longtemps été attribués à des attaques d’esprits et autres démons nocturnes. J’avais d’ailleurs écrit un article sur ce sujet que je vous invite à redécouvrir ici. Messerschmitt  pouvait donc être bel et bien malade tout en pensant être persécuté par quelque créature démoniaque.

Le cartel du palais du Belvédère évoque aussi l’influence d’un certain Franz Anton Mesmer, qu’on peut considérer comme l’ancêtre de ce que nous appelons aujourd’hui l’hypnose (en anglais, le lien entre Mesmer et l’hypnose est encore plus clair car le mot « mesmerizing » qui signifie « hypnotisant » a été créé à partir du nom de ce médecin du XVIIIème siècle). D’après les témoignages de l’époque, et qui ont notamment apporté des problèmes à Mesmer en France, les séances de ce qu’on appelait alors « le magnétisme animal » pouvaient provoquer une perte plus ou moins importante de contrôle du corps. Cela pourrait avoir inspiré Messerschmitt car les pratiques de Mesmer faisaient alors beaucoup parler d’elles à travers l’Europe.

Franz Xaver Messerschmitt à l’heure de Snapchat

Alors, finalement, Messerschmitt était-il fou ou non ? Difficile à dire avec certitude. Comme tout artiste de son temps, on peut penser qu’il cherchait surtout à représenter le monde et à améliorer encore et encore sa technique. D’autant plus qu’il eut à traverser des périodes difficiles où le travail manquait drastiquement.

Son travail portait surtout autour des expressions faciales car il était portraitiste. Pas facile, en effet, de rendre une expression juste. Plus difficile encore à une époque où s’exprimer de façon trop forte est vite perçu comme déplacé. La grimace n’est pas belle ; or, l’Art, c’est le Beau. Mais comment distinguer le Beau si le Laid n’existe pas ? Et n’existe-t-il pas une certaine beauté dans la laideur ? De plus, le Laid intéresse aussi les artistes depuis bien longtemps : nombre de têtes et de gargouilles grimaçantes ornent les cathédrales et autres constructions d’Europe depuis le Moyen-Âge (on appelle d’ailleurs ces sculptures de façades des « grimaces »). Mais on peut aussi penser aux nombreuses représentations d’Héphaïstos, dieu de la forge dont la laideur et la difformité ont souvent été peintes ou sculptées par les artistes, de façon plus ou moins grotesque. Tout ça avant que ne se développe, au XIXème, un véritable engouement pour la caricature de presse où les expressions exagérées et les traits grossiers prennent alors toute leur place.

On trouve d’ailleurs dans ces bustes une certaines exagération des formes comme dans les caricatures. Peut-être était-ce pour Messerschmitt une sorte de jeu ou un intérêt pour les capacités du visage à bouger, se plier, se déformer, se métamorphoser et, finalement, exprimer quelque chose. Il est d’ailleurs intéressant de souligner qu’un visage excessivement souriant peut provoquer un certain malaise alors qu’un autre, pourtant plus triste, nous semblera plus amusant. Était-ce ces variations qui intéressaient Messerschmitt ?

On constate en tout cas que les visiteurs du Belvédère prennent plaisir à traverser cette salle. Mon copain et moi avons pu constater que nous n’étions pas les seuls à nous amuser (je vous laisse juger le tweet qu’en a tiré mon chéri, ci-dessous) de ces visages difformes. Avec notre regard d’aujourd’hui, nous y voyons des grimaces amusantes et plutôt étonnantes dans un musée comme celui-là, situé dans un palais magnifique. Cela nous fait plutôt sourire. Peut-être que cela faisait aussi rire Messerschmitt autant que cela lui permettait de travailler diverses expressions pas forcément communes et pas forcément simples à représenter. C’est en tout cas une belle galerie de grimaces qu’il a ainsi léguée à la postérité. Et il est plutôt amusant de patienter un peu dans cette salle du Belvédère pour observer les visiteurs qui s’amusent à imiter ces têtes pour leurs futures photos Instagram ou Snapchat. Je me demande ce que Messerschmitt aurait pensé de ce drôle de spectacle. En tout cas, cela m’a plutôt amusé pour ma part et a rendu plus populaire l’imposante bâtisse impériale ou nous nous trouvions.

Dernière petite anecdote pour la route : vous pouvez voir une réplique d’une des têtes de Messerschmitt dans le décor des vidéos de la chaine Youtube « Et tout le monde s’en fout ». Je vous le dis, comme ça, en passant, parce que j’aime beaucoup leur chaine.


Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à laisser un petit commentaire ci-dessous pour me le faire savoir ! Et s’il ne vous a pas plu ou si vous souhaitez ajouter quelque chose, n’hésitez pas à faire de même ! ;)

Sintra, la suite : La ville aux palais merveilleux

Dans le précédent article, je vous ai emmenés à la découverte de Sintra et d’un de ses palais, mon coup de cœur de la journée, la Quinta da Regaleira. Vous pouvez retrouver cet article en cliquant ici. J’ai décidé de découper notre escapade en deux parties pour qu’elle soit plus lisible pour vous. Cette fois, je vous emmène à la découverte de deux autres palais qu’abrite Sintra : le Palais National de Sintra et le Palais de Pena (Palacio da Pena).

Sommaire de l’article :

  1. Le Palais de Pena : si Walt Disney avait créé son palais idéal à Sintra
    1. Origines : le palais multiculturel du Roi Artiste
    2. Un palais tout aussi dingue à l’intérieur...
    3. … qu’à l’extérieur !
  2. Le Palais national de Sintra : le symbole de la ville
    1. Le Palais National de Sintra et ses milles vies
    2. Les trésors cachés du Palais National de Sintra
  3. Conclusion

Le Palais de Pena : si Walt Disney avait créé son palais idéal à Sintra

En premier lieu, il faut savoir que nous avons pu accéder au Palais de Pena en tuk-tuk, les voiturettes à trois roues que vous trouverez partout lors d’un séjour à Lisbonne et alentours. Et ça valait sacrément le coup de monter à toute allure les routes sinueuses de Sintra, sous cette épaisse brume ! La preuve en image :

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L’Amazonie n’avait qu’à bien se tenir, ce jour-là, car Sintra jouait à merveille les imitatrices.

Si vous êtes plutôt du genre aventurier de l’extrême (marcheur/sportif, c’est plutôt aventurier de l’extrême pour moi), vous pouvez aussi accéder au palais à pieds.

Bref, arrivé en haut grâce à vos petites jambes ou à un tuk-tuk, il vous restera encore une belle montée et un escalier pentus à gravir pour enfin arriver jusqu’au palais (à ce moment de la visite, personnellement, je me suis échouée sur un banc, comme une baleine sur une plage). Heureusement, les efforts en valent la peine ! Car à votre arrivée sur place, voici ce que vous verrez enfin se dessiner sous vos yeux ébahis :

L'un des murs extérieurs du palais, recouvert d'azulejos.
L’un des murs extérieurs du palais, recouvert d’azulejos.

Jaune, rouge, orange ou recouvert d’azulejos (= carreaux de faïence décorés qu’on trouve beaucoup au Portugal et en Espagne), le Palais de Pena vous en met immédiatement plein les yeux. Un instant, nous voilà transportés à Disneyland, quelque part entre Fantasy land et le royaume d’Aladdin.  Et, ma foi, nous ne sommes pas si loin de la vérité quand on apprend à quelles cultures le palais emprunte ses origines.

Origines : le palais multiculturel du Roi Artiste

On doit le Palacio da Pena au prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha, roi consort du Portugal de 1837 à 1853, et connu là-bas comme « le Roi Artiste ».

Il confie l’édification de son palais d’été au baron Ludwig von Eschwege qui, sur les ruines d’un monastère hiéronymite du XVème siècle, va édifier le palais que nous connaissons aujourd’hui. Un palais qui mêlera les styles architecturaux les plus divers : mauresque, baroque, gothique, Renaissance ou encore manuélin.
(Dans le précédent article sur Sintra, je vous expliquais ce qu’était le style manuélin, si vous ne le saviez pas.)

Toutefois, le Roi n’aura guère le temps de voir son palais terminé car il meurt en 1885, année de son achèvement. Reste son exubérante demeure aux couleurs vives, perchée sur les hauteurs de Sintra.

Coup de cœur pour ce Triton néo-manuélin, une des attractions de la façade du palais.
Coup de cœur pour ce Triton néo-manuélin, une des attractions de la façade du palais.

Un palais tout aussi dingue à l’intérieur…

L’intérieur du palais est tout aussi richement décoré que ses extérieurs. J’avoue que je me suis prise d’une passion pour ses fauteuils, qui avaient l’air tous plus confortables les uns que les autres ! Surtout, certains tissus étaient vraiment superbes, ce que n’a pas pu retranscrire l’appareil photo de mon téléphone, malheureusement (comprenez-moi : porter un reflex quand on a déjà du mal à se porter soi-même, c’est dur).

Encore une fois, les éléments de décoration faisaient la part belle à une multitude de cultures différentes. Parfois jusqu’au kitsch le plus complet, pour nos yeux de visiteurs contemporains. Il est indéniable, toutefois, que la demeure était des plus luxueuses. Et il n’était pas désagréable de découvrir, pour une fois, un intérieur vraiment différent de ceux que l’on peut voir dans les châteaux français, par exemple.

… qu’à l’extérieur !

Au final, nous n’avons encore une fois pas pu visiter tout le domaine entourant le palais car le parc qui l’entoure est véritablement immense ! Un coup d’œil sur la carte vous donnera un petit aperçu de la chose :

Carte du Palais de Pena et du parc du même nom.
Carte du Palais de Pena et du parc du même nom.

Encore une fois, comme c’était aussi le cas pour le Palais de la Regaleira, on voit vite que la nature occupe une place très importante à Sintra. Les palais sont somptueux mais ce qui les entoure l’est tout autant. D’autant plus que tout est un mariage très réussi entre les constructions humaines et la nature. Je n’ai pas eu l’impression que l’un prenait le pas sur l’autre, au contraire. Au final, la seule chose regrettable (et, nous en faisions partie) était le trop (mais vraiment trop !) grand nombre de touristes. Difficile de découvrir tranquillement le lieu dans ces conditions, c’est dommage. Mais comme la Pena est vraiment emblématique du pays, il est compréhensible que le lieu attire tant de monde. C’est la rançon de la gloire !

Comment voulez-vous que je n'aime pas un palais où les rampes sont des tentacules de pieuvre ?
Comment voulez-vous que je n’aime pas un palais où les rampes sont des tentacules de pieuvre ?

Le Palais national de Sintra : le symbole de la ville

Le Palais national de Sintra, aussi surnommé Palácio da Vila (Palais du Bourg) est le premier des trois palais que nous avons visités lors de notre escale à Sintra.

Sa particularité ? Il possède deux cheminées de 33 mètres de haut qui sont le symbole de la ville. Ces cheminées sont celles des cuisines du palais et elles sont effectivement impressionnantes !

Je vous ai même préparé une petite vidéo pour vous donner une meilleure idée de la grandeur de ces cheminées car on ne s’en rend pas bien compte sur les photographies :

Le Palais National de Sintra et ses milles vies

Le palais est très ancien puisqu’il est fondé au Xème siècle, alors que le Portugal se trouve sous domination arabe. Il servira d’abord de résidence au gouvernement maure puis sera habité par les rois portugais durant près de huit siècles. Cela explique les différents styles architecturaux et décoratifs qu’on peut y admirer. Décidément, voilà une des caractéristiques des palais de Sintra : le mélange des genres, tout-à-fait réussi à chaque fois, par ailleurs.

Contrairement à ce que vous pouviez voir sur les premières photos que j’ai postées du lieu, quand nous sommes allés à Sintra, le temps était beaucoup (BEAUCOUP !) plus brumeux et particulièrement humide. Mon panorama, ci-dessus, suffit à vous en donner un petit aperçu. C’était comme si cette atmosphère pénétrait jusqu’entre les murs du palais. Comme si le brouillard était si épais que les murs ne pouvaient l’empêcher de passer, qu’il se faufilait partout. Du coup, la plupart de mes photos sont bizarrement floues à ce moment-là de la journée : pas parce que je bougeais en les prenant mais parce que je n’arrivais simplement pas à faire mieux. C’était assez perturbant.

 

Les trésors cachés du Palais National de Sintra

On pourrait croire que le Palais National de Sintra est moins majestueux que ses voisins. En réalité, c’est seulement qu’il cache bien son jeu !

En effet, au cours de la visite, deux pièces se détachent vraiment du lot. La première est la salle des blasons. Une salle immense que l’on ne s’attend pas à découvrir après avoir traversé plusieurs salles de tailles plus modestes. Son plafond à caissons, couvert de blasons, est superbe. Mais c’est surtout le contraste avec les azulejos bleus, qui ornent les murs, qui fait toute la splendeur de cette salle. Elle fut difficile à photographier alors certaines des photographies que je vous propose de découvrir ne sont pas de moi. En revanche, j’ai tâché de la filmer pour vous donner une idée de sa taille.

La seconde « pièce » est un peu particulière. Il s’agit, en fait, d’une salle d’eau. Elle a tout de la salle de thalasso moderne puisque des jets d’eau sortaient des murs pour « masser » ses utilisateurs. Mais elle est bien plus belle avec ses magnifiques faïences bleues dont les scènes font très françaises avec leur style rococo.

Conclusion

Vous l’aurez compris, visiter Sintra, c’est d’abord s’armer d’une bonne paire de chaussures et ne pas espérer pouvoir tout voir en un jour. J’espère sincèrement que j’aurai la chance, un jour, d’y retourner pour voir tout ce que nous avons pu manquer. Les jardins, les autres palais et les secrets que doit encore abriter cette ville, en dehors de ses sentiers touristiques. J’aurais adoré voir le Palais de Monserrate, par exemple, et ses jardins qu’on dit magnifiques. Ou alors jusqu’à la mer pour voir les falaises qui bordent Sintra.

J’espère surtout que cette escale bloguesque vous aura plu. N’hésitez pas à me le faire savoir en commentaire ! Et si vous avez raté l’article précédent, je vous remets le lien juste ici, là, vous pouvez cliquez, bim, bam, boum.

Enfin, si vous voulez découvrir encore plus de choses sur Lisbonne et notre séjour là-bas, vous pouvez vous rendre sur mon compte Instagram où j’essaye de résumer ces quelques jours magiques en sélectionnant mes photos préférées.


Sources :

Visite de Sintra : attractions et choses à voir
Palais national de Sintra — Wikipédia
Palais national de Pena — Wikipédia
Sintra : Romantisme au Palais de Pena
Nos Racines sur 4 Continents « Le Palais national de Sintra, un château médiéval emblématique »
Miles and Love « A la découverte des palais de Sintra »

Sintra : Un autre monde en plein Portugal

Je rentre d’un séjour au Portugal avec mon amoureux durant lequel nous avons fait de très jolies découvertes.
Parmi elles, la magnifique ville de Sintra et, surtout, ses superbes palais. Je vous invite donc à découvrir cette ville portugaise, exceptionnellement en deux articles. C’est parti pour la visite guidée !

Sommaire de l’article :

  1. Sintra, c’est où, c’est quoi ?
  2. Que voir à Sintra ?
  3. Quinta da Regaleira : mon coup de coeur de Sintra
    1. Histoire de la Quinta da Regaleira
    2. Les Folies de la Quinta da Regaleira et son style Manuélin
  4. A suivre !

Suite de l’article : Direction le Palais de Pena et le Palais National de Sintra !

Sintra, c’est où, c’est quoi ?

Sintra est une ville portugaise située non loin de Lisbonne. Elle est classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco. On y accède facilement en train depuis la Capitale. Elle regroupe un certain nombre de palais que nous n’avons pas tous pu visiter et qui furent construits par la noblesse de Sintra, sur les collines de la ville. Des collines qu’il vaut mieux ne pas avoir peur de gravir à moins d’avoir prévu un peu de sous pour les tuk-tuk, bus et autres taxis. Car ça monte ! Ca monte beaucoup ! Et sur un certain nombre de kilomètres.

Le jour où nous nous y sommes rendus, le temps était peu clément et c’est pourtant ce qui a fait tout le charme de notre visite ! En partant de Lisbonne, ce matin-là, c’était grosse chaleur et grand soleil ; à notre arrivée sur place, brouillard très épais, température avoisinant les 20 degrés et une humidité tellement forte que la brume perlait en gouttes de pluie sur nos bras. A priori, pas l’idéal pour un séjour au Portugal, et pourtant ! Ce brouillard nous a donné l’occasion de découvrir Sintra sous de faux airs d’Amazonie. Les palais et l’épaisse faune environnante semblaient flotter dans les nuages, comme dans un autre pays, un autre espace-temps.

N’hésitez pas à cliquer sur les images pour les agrandir.

Que voir à Sintra ?

Soyons clairs : une journée, c’est beaucoup trop peu pour une ville comme Sintra. C’est malgré tout faisable, à condition de faire des choix. En ce qui nous concerne, nous avons pu visiter trois palais au cours de notre escale (en prenant notre temps parce que je suis passionnée d’art mais pas de marche sportive) : le Palais National de Sintra, le Palais de Pena (Palacio da Pena) et le Palais de la Regaleira (Quinta da Regaleira).

Mais Sintra abrite aussi le Château des Maures (Castelo dos Mouros) ou le Palais de Monserrate. Ainsi que des parcs magnifiques et ce jusqu’à la mer, donnant sur un cap d’immenses falaises.

Autant vous dire que pour tout voir, il faut plus d’une journée. Et plus encore pour tout bien voir.

Cet article sera consacré essentiellement au palais que j’ai préféré durant cette visite : la Quinta da Regaleira. L’article suivant sera consacré aux deux autres palais que nous avons visités et qui sont tout aussi magnifiques !

Quinta da Regaleira : mon coup de cœur de Sintra

Le Palais de la Regaleira est de loin celui que j’ai préféré, lors de cette escapade. Il n’était pas aussi grand que les autres (il paraît même bien petit par rapport aux 4 hectares de terrain qui l’entourent !) mais il était d’un romantisme fou ! La Quinta da Regaleira est de loin le palais de Sintra à l’allure la plus mystérieuse et fascinante. Et avec l’ambiance brumeuse que nous avions ce jour-là, nous avons pu en prendre toute la mesure.

Le palais est entouré d’un jardin gigantesque que nous avons passé un long moment à arpenter. On y trouve des grottes, des fontaines et des fleurs et arbres magnifiques, toutes sortes de Folies (= éléments d’architecture construits dans le but de s’intégrer à un jardin) qui, dans le cas présent, portent bien leur nom. Tout ou presque est recouvert d’une mousse épaisse qui donne l’impression de se trouver dans un palais laissé à l’abandon (ce qui est loin d’être le cas) et ajoute à l’aura du lieu. Cette mousse omniprésente, recouvrant les pierres, l’eau des fontaines, les sentiers et la présence du brouillard ce jour-là, donnent l’impression d’un décor de cinéma fantastique ou d’horreur, hanté par quelque entité mystérieuse.

La carte permet de se rendre compte de la grandeur des jardins par rapport au Palais seul :

Carte de la Quinta da Regaleira.
Carte de la Quinta da Regaleira.

Le portail des Gardiens, dans le jardin du Palais, est l'une des Folies du domaine. Elle donne sur l'entrée d'une grotte conduisant au Puits Initiatique.
Le portail des Gardiens, dans le jardin du Palais, est l’une des Folies du domaine. Elle donne sur l’entrée d’une grotte conduisant au Puits Initiatique.

Le portail des Gardiens, dans le jardin du Palais, est l'une des Folies du domaine. Elle donne sur l'entrée d'une grotte conduisant au Puit Initiatique.
Le portail des Gardiens, dans le jardin du Palais, est l’une des Folies du domaine. Elle donne sur l’entrée d’une grotte conduisant au Puit Initiatique.

Histoire de la Quinta da Regaleira

Pourtant, le palais tel qu’on le connaît aujourd’hui n’est pas si ancien qu’il en a l’air. Si l’on trouve des traces d’une demeure construite à cet emplacement dès le XVIIème siècle (vers 1697), il faut attendre 1840 et le rachat par la Baronne de la Regaleira pour que la propriété devienne une élégante maison de vacances, composée d’une maison et d’une chapelle. C’est également à ce moment que le domaine acquiert son nom actuel.

Chapelle actuelle qui se trouve non loin du Palais, dans les jardins.
Chapelle actuelle qui se trouve non loin du Palais, dans les jardins.

Au XIXème siècle, Quinta da Regaleira voit se succéder d’autres propriétaires. C’est Carvalho Monteiro, aussi connu comme « Monteiro le Millionnaire » (Monteiro dos Milhões) qui reste le plus célèbre d’entre eux. L’homme, né à Rio de Janeiro et héritier d’une immense fortune qu’il va faire fructifier toute sa vie, va transformer sa demeure de Sintra avec l’aide du célèbre architecte portugais, Luigi Manini.

Les Folies de la Quinta da Regaleira et son style Manuélin

Au cœur des jardins se trouve la principale « attraction » du lieu : le puits initiatique (poço iniciático). Il s’agit d’une tour souterraine de 27 mètres de profondeur, composée d’un escalier en spirale. L’escalier est composé de neuf paliers qui, pense-t-on, sont une évocation des neuf cercles de l’Enfer, du Paradis et du Purgatoire, issus de la Divine Comédie de Dante. Cette Folie monumentale est en effet pleines d’associations ésotériques et alchimiques qui rendent le lieu encore plus intrigant qu’il ne l’est déjà de prime abord. Au fond du puits se trouve encastrée une rose des vents de marbre à huit pointes, disposée sur une croix des Templiers. Quant à la tour elle-même et son escalier, ils sont censés mener symboliquement de la terre, lieu de naissance et de mort, au Paradis.

Je peux vous assurer, en tout cas, que c’est très impressionnant !

On doit cette iconographie mystérieuse, qui ponctue l’ensemble du domaine de la Regaleira, à Carvalho Monteiro qui était un bibliophile et un collectionneur passionné. C’est sans doute aussi pour cette raison que les différents bâtiments qui composent l’ensemble, empruntent tant au style Manuélin. Un style architectural et artistique que ne pouvait ignorer un esthète tel que Monteiro et qui était représentatif du règne de Manuel 1er du Portugal, au XVème siècle. A l’époque, le pays était une immense puissance mondiale et son ouverture sur le monde donna lieu à un mélange des cultures tout-à-fait merveilleux.  Le style Manuélin emprunte au gothique flamboyant autant qu’à l’art mauresque, multipliant les motifs décoratifs liés aux grandes découvertes maritimes du pays (coquillages, coraux, vagues, poissons, ancres, instruments de navigations…). Ce style est particulièrement bien représenté à Belém, autre ville proche de Lisbonne que nous avons pu visiter : la tour de Belém mais également le Monastère des Hiéronymites sont des exemples d’époque du style Manuélin.

Petit détour par la Tour de Belém pour vous montrer à quoi peut ressembler le style Manuélin.
Petit détour par la Tour de Belém pour vous montrer à quoi peut ressembler le style Manuélin.

Partie du Monastère des Hiéronymites qui abrite le Musée de la Marine, que nous avons pu visiter et qui est une vraie petite merveille !
Partie du Monastère des Hiéronymites qui abrite le Musée de la Marine, que nous avons pu visiter et qui est une vraie petite merveille !

A suivre !

Pfiou ! Il me reste deux palais à vous faire découvrir dans la magnifique ville de Sintra alors on va faire une pause ici et se retrouver dans un second article. Je ne voudrais pas que vous vous essouffliez en cours de route !

Vous vous sentez prêts ? Le second article est ici et n’attend que vous ! Je vous emmène cette fois au palais de Pena et au palais de Sintra. Deux autres lieux ô combien magnifiques et, surtout, de vrais symboles de la ville. Et, sans vouloir vous spoiler : ils sont complètement différents de la Regaleira.

Vous pouvez aussi retrouver nos aventures lisboètes (nom des habitants de Lisbonne) sur mon compte Instagram. J’essaye de sélectionner mes photos préférées histoire de vous résumer un peu notre séjour. J’espère que mes prises de vues vous plairont. En tout cas, si vous aimez les fleurs et le street art, vous serez sans doute ravis ! Sinon… Sinon vous pouvez toujours laisser un commentaire sous cet article pour me faire plaisir !


Sources :

Fundação Cultursintra FP Quinta da Regaleira
Un sac sur e dos « L’énigme de Sintra : Quinta da Regaleira (attention spoilers !) »
Os Viajantes « Meet the Quinta da Regaleira, Sintra, Portugal »
Bonjour Lisbonne « Quinta da Regaleira à Sintra: le guide complet »
Jardins Merveilleux « Quinta da Regaleira – Sintra »
Wikipédia : Palais de la Regaleira
Wikipédia : Puits initiatique du palais de la Regaleira