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Qu'est-ce que Inochi ? C'est sans doute l'un des personnages les moins connus de l'oeuvre de Takashi Murakami par le grand public mais également l'un des plus original. Ce petit androïde, inspiré des robots de A.I., Intelligence Artificielle, de S. Kubrick, selon l'artiste lui-même, a l'apparence d'un enfant-robot ou d'une marionnette, sorte de Pinocchio des temps modernes et permet à l'artiste de s'interroger sur le monde et d'interroger celui-ci. Les questions ne sont pas toujours d'un grand sérieux mais il n'empêche que son célèbre "what will be the human beauty of the future ?" pourrait être une excellente problématique, à l'heure où tout un chacun recherche à tout prix la perfection dans l'être humain par définition perfectible. | >
Mais détaillons un peu cet étrange personnage :
Il est bien évident qu'Inochi n'est pas véritablement humain. En tout cas, il n'a rien à voir avec l'homo sapien que nous sommes. Le haut de son crâne démesuré n'est pas sans rapeller l'étrange tête de E.T., le petit extraterrestre de Spielberg, dans les années 80. Ses yeux sont exagérément éloignés l'un de l'autre, son nez et sa bouche son minuscules alors que ses oreilles paraissent énormes, en comparaison. Il porte également deux marques sur le front ; grains de beauté ? Boutons quelconques ? Tâches de naissance ? Marques laissées par un appareil électronique relié à son cerveau, sans doute, assez imposant, étant donné la taille de son crâne ? Difficile à dire.
Son corps non plus, n'est pas moins étrange. Son tronc semble beaucoup trop fin pour pouvoir maintenir, à lui seul, sa tête. On peut imaginer que c'est pour cette raison qu'il porte une sorte de minerve metallique. Néanmoins, son dos reste plus ou moins vouté. Il a l'allure d'une personne âgée ; c'est pourtant un enfant. Ses articulations (épaules et hanches) sont artificielles, elles aussi. Aucun doute, ce petit personnage n'est pas fait que de chair et de sang. Ses jambes ne sont pas sans rappeler le squelette humain. A tel point que l'on pourrait croire qu'on lui a enlevé la peau, sur toute cette partie de son anatomie. Quant à ses mains, elles disposent de doigts légèrement palmés. Inochi viendrait-il d'une planète sur laquelle savoir nager comme un poisson est une nécessité ? Ou Takashi Murakami sous-entend-il, à travers lui, que c'est ce à quoi devra se préparer l'être humain pour survivre sur Terre, quand le dérèglement climatique auront fait monter les océans bien au-delà du niveau des terres actuelles, sur une bonne partie du globe ? Ou encore, peut-être que ce petit personnage vient d'une planète qui a subi ce genre de transformation. Nous savons que l'artiste est très attaché à l'écologie, en tout cas, et c'est une piste acceptable que de penser qu'il pourrait nous faire passer ce genre de message à travers cette oeuvre.
Bref, si cet être possède bien les caractéristiques d'un être humain, à première vue, il paraît très vite évident qu'il n'en est pas vraiment un. Pour autant, difficile de dire ce qu'il est exactement. Un robot ou, plus exactement, une sorte d'androïde (c'est-à-dire un robot de forme humanoïde) voire un cyborg (et ce, uniquement si nous partions du principe qu'il est bel et bien fait de chair et de sang, si nous l'admettions une seconde, ce qui n'est, évidemment, pas le cas), c'est-à-dire un humain dont le corps aurait été modifié pour devenir mi-homme, mi-robot ; un cyber organisme. Il est également impossible de savoir si Inochi vient d'une autre planète, de notre propre futur ou encore si a été fabriqué à notre époque (bien que la technologie ne serait pas encore suffisamment au point, toujours dans le cas où nous admetrions sa réalité et non comme oeuvre de Takashi Murakami). On peut, néanmoins, souligner que dans les courts films dans lesquels il est mis en scène, Takashi Murakami s'amuse à confronter son petit personnage à sa réalité : "Tu es vivant, Inochi !" (c.f. film, plus bas sur cette page). En tout cas, il nous porte un message et nous interroge et, en cela, nous pousse à nous interroger. Avec plus ou moins de sérieux et, d'ailleurs, assez souvent, avec humour, puisque Takashi Murakami n'hésite pas à le tourner en dérision dans les petits films où il le met en scène. Car, Inochi, c'est aussi et surtout un personnage d'une grande naïveté. Après tout, c'est un enfant et il découvre le monde avec les yeux d'un enfant. Le problème, c'est qu'il ne découvre pas forcément le monde avec le corps d'un enfant, ce qui lui vaut parfois quelques petits problèmes (c.f. film). |
Il faut également savoir qu'au Japon, les androïdes et autres robots sont de plus en plus utilisés dans la vie de tous les jours. Aiko, par exemple, est la toute première présentatrice androïde du journal télévisé au monde. Elle n'est ni plus ni moins qu'un robot à l'aspect très humain et elle n'est pas la seule. Cette technologie est en pleine croissance et les recherches ne cessent de faire des progrès. Nul doute que, très bientôt, les japonais (car ils sont les pionniers et les plus avancés en ce domaine) parviendront à réaliser des doubles robotiques de plus en plus bluffant de réalismes. Après tout, la robotique occupe une grande place dans la culture japonaise. Les manga et animes, extrêmement répandus dans l'archipel, sont les premiers témoins de cet engouement général pour ce genre de technologie. Car au Japon, plus que nulle part ailleurs, l'envie voire le besoin d'atteindre la perfection est particulièrement présent et sensible. Les robots sont une façon d'accéder à cette perfection car ils sont entièrement programmables et malléables, tant de par leur image que dans leur manière d'être et d'exister. C'est, d'une certaine façon, la possibilité qui s'offre aux hommes de jouer à être Dieu ; la toute puissance sur un être, la possiblité de le façonner selon son envie, de le contrôler selon nos besoins et notre humeur, de le façonner à notre image ou pour nous en créer une bien meilleure. "What will be the human beauty of the future ?" Là est toute la question, Inochi ! |
Aiko |
Enfin, la dernière question est celle posée par le petit film qui accompagne la présentation de ce Pinocchio moderne ; ces êtres du futurs, que nous développons actuellement, ces androïdes et bientôt, peut-être, cyborgs, sont-ils et seront-ils humains et considérés comme tels ? Plus ils seront développés, plus les androïdes ressembleront à de véritables êtres humains, si l'on en croit les histoires de sciences fictions qui inondent le cinéma et la littérature, ou encore la bande dessinée ; des êtres humains qui possèderont, donc, les capacités de ressentir, penser et agir par eux-mêmes, sans qu'un autre être ne soit nécessairement derrière lui pour "tirer les ficelles". Pourrons-nous les considérer et, surtout, leur offrirons-nous, pour autant, le titre d'être humain à part entière ? Rien n'est moins sûr. |
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