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Nouvelle peinture : bienvenue dans mon monde !

Welcome to your world by Shou' (studinano.com) Peinture acrylique sur toile / Acrylic on canvas 2013 80cm / 60cm
Welcome to your world
by Shou’ (studinano.com)
Peinture acrylique sur toile / Acrylic on canvas
2013
80cm / 60cm

En voilà une qui aura vu le temps passer avant d’être enfin terminée !

Ma nouvelle toile s’appelle Welcome to your world (Bienvenue dans ton monde). Elle fait référence à un passage d’une courte bande dessinée intitulée La Naissance de Nélumbaë, que j’avais réalisée il y a quelques années, et que voici :

Extrait de La Naissance de Nélumbaë  by Shou' 2011/2012 Encre de chine sur papier Canson
Extrait de La Naissance de Nélumbaë
by Shou’ (studinano.com)
Court roman graphique / courte bande dessinée, 2011/2012
Encre de chine sur papier Canson

Comme vous pouvez le voir, la scène a un peu évolué entre temps mais l’idée reste globalement la même entre ces deux créations : un de mes personnages (surnommé une Bavarde, celle avec la bouche) fait découvrir le monde à l’autre (c’est une Nélumbaë, qui, elle n’a qu’un oeil et vient de naître : vous pouvez d’ailleurs voir le tableau représentant sa naissance un peu plus bas dans cet article).

Oui, je sais ! Il faudra un jour que je vous prépare un article consacré exclusivement à mes personnages, histoire que vous vous y retrouviez mieux ! Pour l’instant, restons-en à l’idée que deux de mes personnages arrivent dans ce monde, donc.

Le Lotus :

Dans ma peinture, Welcome to your world, ainsi que dans mon dessin, il y a beaucoup de Lotus : ces fleurs sont celles par lesquelles naissent mes personnages et aussi celles par lesquelles leur âme (je devrais même plutôt dire leurs âmes) s’envole après leur mort (comme on peut le voir dans mon autre tableau : La Vallée des Morts).

Ces fleurs sont primordiales dans mon univers : elles symbolisent la vie, la mort et donc le cycle de la vie. Les arbres, eux, sont plus immuables. Dans mes peintures, ils représentent davantage les générations qui passent qu’une seule et simple vie. (Je reviendrai sur ces arbres plus après).

Pour les Bouddhistes, mais aussi selon les croyances des anciens égyptiens, le Lotus est la fleur qui surgit des eaux saumâtres. Des eaux dont on imaginait alors qu’elles recouvraient entièrement le monde, à sa création, et à l’intérieur de laquelle s’était peu à peu développée la vie. La fleur de Lotus aurait surgi la première. Les Bouddhistes parlent de génération spontanée : pour eux, la fleur de Lotus naissait d’elle-même, apparaissant tout-à-coup puis se développant peu à peu pour devenir une belle fleur.

La Naissance de Nélumbaë
La Naissance de Nélumbaë by Shou’
Peinture acrylique sur toile (Acrylic on canvas)
50cm / 60cm
(studinano.com)

Tout est ici symbolique : ceux qui me suivent régulièrement savent que toutes mes peintures se basent sur la façon dont je représente internet. Plus exactement, je représente ma propre utilisation d’internet : les Faceless Girls sont mes avatars (des bouts de moi, si vous voulez, sur le web : mes alter ego en petits morceaux, toutes différentes mais toutes moi d’une certaine façon, ou mes actes, mes pensées). Chaque information que je laisse sur internet devient une Faceless Girl qui, à sa mort, verra son corps se recouvrir de lotus (c’est donc ce qu’on voit dans La Vallée des Morts) qui donneront à leur tour des Faceless Girls différentes. Au fur et à mesure, l’accumulation de tout cela pourra donner naissance un arbre qui, comme je le disais, représentera une génération de Faceless Girls et, donc, quelque chose de plus immuable, de moins court.

Les Arbres :

Les arbres représentent des projets de longue haleine. Cela peut paraître trivial mais ce sont par exemple les blogs, les longues discussions par mail ou messageries instantanées, les forums qui durent… Bref, ce sont ces pages web sur lesquelles je reviens, encore et encore, et que je construis peu à peu. Ces pages-là ont été très importantes pour moi.

guillemet« L’arbre. Si les feuillus symbolisent le cycle de la vie, les végétaux à feuillage persistant représentent l’immortalité. Certaines cultures ont même créé un arbre cosmique (tel l’Yggdrasil scandinave), tandis que les arbres généalogiques sont synonymes de la continuité, qu’il s’agisse de celle d’une lignée familiale ou d’un concept sacré ou ésotérique. »

(source: Comprendre les symboles, Larousse, p.9)

Mes arbres se placent entre l’Yggdrasil et l’arbre généalogique : il n’est pas rare que je représente un arbre habité par des Faceless Girls. Mes arbres sont des endroits où peuvent vivre certaines Faceless Girl, où se développe donc une vie, mais ils ne sont pas uniques en leur genre puisqu’il existe plusieurs arbres de ce genre dans mon univers.

Dans The Tree of Life, une autre de mes peintures, on peut voir un grand arbre habité qui, lui, se rapproche plus de l’Yggdrasil ou du grand arbre de la vie.

The Ash Yggdrasil (Le Frêne Yggdrasil) Friedrich Wilhelm Heine (1845-1921) Publié dans : Wägner, Wilhelm (1886). Asgard and the gods. London: Swan Sonnenschein, Le Bas & Lowrey. Page 27.
The Ash Yggdrasil (Le Frêne Yggdrasil)
Friedrich Wilhelm Heine (1845-1921)
Publié dans : Wägner, Wilhelm (1886). Asgard and the gods. London: Swan Sonnenschein, Le Bas & Lowrey. Page 27.

Notons que cette représentation d’Yggdrasil est très symbolique, tout comme peuvent l’être mes travaux : il faut connaître les histoires, les mythes et légendes scandinaves, même un peu, pour comprendre de quoi il s’agit exactement. Pourquoi y-a-t-il un serpent enroulé dans ses racines ou un corbeau à son sommet, par exemple ? Je vous conseille ce texte simple qui résume la très complexe mythologique scandinave, constituée de neuf mondes : Yggdrasil, l’Arbre du Monde. Je pense, alors, que cette représentation de Friedrich Wilhelm Heine, ci-dessus, vous paraîtra déjà un peu plus claire.

C’est là toute la magie de la symbolique : une image a toujours une histoire.

Les Glycines ou Wisteria :

Dans Welcome to your world, les arbres sont fleuris car ce sont des glycines (wisteria, en anglais) représentées à ma façon.

Comme la Glycine n’est arrivée en Europe qu’à la fin du XIXe siècle (bien que Le Nôtre en ait planté quelques pieds, rapportés de Chine lors d’une expédition en 1687, dans les jardins de Versailles), elle ne bénéficie pas d’une symbolique forte dans nos pays occidentaux.
Cependant, en Asie, cette plante est beaucoup plus connotée et c’est donc l’image qu’elle a là-bas qui m’intéresse dans mes travaux.

Dans le langage chinois des fleurs, la glycine symbolise la douceur de l’amitié. Mais sa délicatesse est en fait un piège puisqu’en grandissant, la glycine s’enroule d’abord comme un serpent autour du support près duquel elle pousse et elle l’emprisonne ensuite lorsque son bras devient puissant… Ainsi, au bout de vingt à trente ans, ses troncs noueux viennent à bout des plus solides barreaux et pitons d’acier.

Belle et dangereuse, fascinante et inquiétante : Un double aspect, donc, qui m’intéresse particulièrement puisque jouer sur l’ambiguïté des choses me permet de pointer du doigt l’aspect à la fois attirant et inquiétant de l’univers que je tente de personnifier, celui d’internet. A mes yeux, la glycine est une figure du désordre (Voir cet article à propos des figures du désordre : Le Diable et la Mort : petit tour d’horizon dans l’art).

J’ai parlé plus longuement des glycines dans cet article : Voyage sur Pandora !

Toujours en Chine (le nom chinois de la glycine est Zi Tang, littéralement « la plante rampante couleur de lilas ») un certain nombre de plantes, dont la glycine, sont placées de façon à recevoir un maximum d’éclairement lunaire car ce rayonnement est réputé les guérir, les soigner et les protéger. De plus, ce rayonnement est utile au bon développement de la fleur.

A mes yeux, cela fait de la glycine une fleur de l’ombre, une fleur de la nuit (on oppose la Lune au Soleil et donc, la Lune représente souvent les ténèbres alors que le Soleil, lui, est la lumière). Or, quand la beauté d’une fleur est capable de surgir des ténèbres, sous les rayons de la Lune, cela est très fort en symbolique. Pour plusieurs raisons :

La Lune :

Tout d’abord, la Lune est privée de lumière propre, elle ne fait que refléter la lumière du Soleil. On dit donc souvent que la Lune représente la femme (ou le féminin) tandis que l’homme serait le Soleil puisque la Lune tire sa lumière du Soleil et est donc « dépendante » de lui (les symboles sont parfois très sexistes, je sais).

Le fait que la Lune ne fasse que refléter la lumière émise par le Soleil, nous permet d’observer des cycles lunaires durant lesquels la Lune est éclairée de différentes façons. Ainsi, on dit aussi que la Lune est le symbole du renouvellement et de la périodicité. « A ce double titre, elle est symbole de transformation et de croissance ». (source: Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, p.681)

guillemet« Source d’innombrables mythes, légendes et cultes donnant aux déesses son image (Isis, Ishtar, Artémis ou Diane, Hécate…), la lune est un symbole cosmique étendu à toutes les époques, depuis les temps immémoriaux jusqu’à nos jours, généralisé à tous les horizons. »

(source: Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, p.685)

Or, les cycles lunaires, bien qu’ils n’existent que grâce au reflet de la lumière du Soleil à sa surface, font de la Lune un élément important de la vie humaine : les cycles lunaires contrôlent les eaux, la pluie, la végétation ou encore la fertilité. Dans mes tableaux, elle représente toujours une sorte d’entité maternelle : elle veille, en arrière plan, sur ce qui se passe au premier plan. La Lune est d’ailleurs associée au culte de la Grande Mère (aussi appelé culte de la Grande Déesse) qui a été célébré durant toute l’Antiquité (et plus tard encore, sous d’autres formes, puisqu’on retrouve des représentations de cette déesse à la Révolution française).

Ce culte qui pourrait nous venir de la préhistoire, où étaient déjà sculptées des Vénus qui pourraient représenter de premières formes du culte de la Déesse Mère (aucune preuve scientifique ne peut, cependant, l’attester à 100% à l’heure actuelle).
Ces Vénus sont d’ailleurs des objets qui me fascinent et m’intéressent beaucoup. Elles comptent parmi les objets artistiques qui ont probablement inspiré mes Faceless Girl, même inconsciemment. Et je me rends de plus en plus compte du pourquoi, chaque fois que je fais des recherches à leur sujet.

Vénus de Willendorf, Paléolithique supérieur, vers 24 000–22 000 av JC Conservée au Musée d'Histoire Naturelle de Vienne (Autriche)
Vénus de Willendorf, Paléolithique supérieur,
vers 24 000–22 000 av. J.C.
Conservée au Musée d’Histoire Naturelle de Vienne (Autriche)

Dans Welcome to your world, la Lune est double car elle représente la multiplicité et la grandeur d’internet : il faut plusieurs Lunes pour couvrir l’immensité du web car il est d’une grandeur telle que toutes les choses qui s’y passent ne peuvent pas toujours s’entrecroiser. Mon tableau n’en représente que deux mais elles pourraient être des milliers.
Les tuyaux gigantesques qui descendent de ces Lunes montrent qu’elles se nourrissent des éléments au-dessus desquels elles flottent. Et ces éléments la nourrissent en retour. Ces sont-là les flux d’informations incessants qui font vivre internet.

Au final, ces astres ressemblent à des planètes ou à d’immenses vaisseaux qui récoltent et sèment sur leur passage.

Les Nuages :

Notez enfin que même les nuages ne sont pas anodins, dans ma peinture.

guillemet« Les nuages symbolisent parfois simplement la pluie et l’abondance, mais ils sont aussi entourés d’une aura de mystère, puisqu’ils sont visibles mais immatériels, changent constamment, voilant ce qui se trouve derrière eux, mais laissant parfois percer un rayon de soleil éclatant. »

(source: Comprendre les symboles, Larousse, p.13)

Encore une fois, c’est l’inquiétante étrangeté des nuages qui m’intéresse lorsque je les place dans une peinture : présents, puisqu’on peut les voir, mais absents également dans le sens où on ne peut les toucher, les nuages, parce qu’ils sont toujours là (ou presque) sont un peu des espions, si je puis dire. Dans Welcome to your world, ils forment une sorte de distinction entre la Lune haute et le sol, où se trouvent les Faceless Girls : ils veillent à ce que la distinction entre ces deux mondes soient préservée afin que le cycle puisse continuer à tourner sans problème.

Pour faire simple, pour moi, les nuages sont des bots-modérateurs !

Welcome to your world by Shou' (work in progress) (studinano.com) Peinture acrylique sur toile / Acrylic on canvas 2013 80cm / 60cm
Welcome to your world (work in progress)
by Shou’  (studinano.com)
Peinture acrylique sur toile / Acrylic on canvas
2013
80cm / 60cm

Bref, voici Welcome to your world et sa petite histoire. J’espère d’ailleurs que vous vous sentez les bienvenus dans mon monde chaque fois que vous jetez un coup d’oeil à ce blog, à mon site officiel ou aux informations que je laisse sur les différents réseaux sociaux ;)

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Voyage sur Pandora !

Prêts pour un deuxième voyage au Japon ? (Le premier est là pour ceux qui l’auraient raté.) J’espère que vous n’avez pas défait vos valises trop vite car vous allez absolument vouloir rester dans cet endroit merveilleux, j’en suis certaine !

Direction, une fois encore, un des fabuleux parcs du pays du Soleil Levant. Le Ashikaga Flower Park de Tochigi.
A mes yeux, cet endroit est plus magique encore que le précédent (le Seaside Park de Hitachi, voir ici). Il faut dire qu’il se situe dans la ville d’Ashikaga, aussi surnommée la petite Kyoto de l’est. Une ville jeune puisqu’elle ne fut d’ailleurs fondée qu’en 1921 et qui met un point d’honneur à promouvoir la protection de la nature. Et, ma foi, je crois que l’on peut dire que c’est vraiment joliment réussi !

 

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Mais si cet endroit est aussi fabuleux, c’est parce qu’il est une véritable œuvre d’art naturelle (bien qu’il faille une nouvelle fois souligner le fait que rien n’est laissé au hasard, dans ce parc, puisque la moindre pousse est contrôlée, taillée, embellie…) et, de ce fait, il inspire les créateurs. L’endroit est devenu d’autant plus célèbre depuis la projection du film Avatar de James Cameron puisqu’il en inspira certaines des scènes les plus poétiques. En particulier, c’est la plante grimpante, la Glycine (ici, montée en arbres fleuris aux allures de saule pleureur violacé), l’une des attractions principales du parc, qui a inspiré les Arbres des Voix (voir ci-dessous) et probablement également l’Arbre des Âmes si important pour les Omaticayas. Comment aurait-il pu en être autrement, puisque l’écologie est si importante dans ce film ?

The tree of voices, Avatar, James Cameron

The tree of voices, Avatar, James Cameron

The tree of voices, Avatar, James Cameron

The tree of voices, Avatar, James Cameron

Comme la Glycine n’est arrivée en Europe qu’à la fin du XIXe siècle (bien que Le Nôtre en ait planté quelques pieds, rapportés de Chine lors d’une expédition en 1687, dans les jardins de Versailles), elle ne bénéficie pas d’une symbolique forte dans nos pays occidentaux.

Cependant, en Asie, cette plante est beaucoup plus connotée et c’est donc l’image qu’elle a là-bas qui m’intéresse dans mes travaux, comme vous pourrez le voir dans ma prochaine peinture.

En Chine (le nom chinois de la glycine est Zi Tang, littéralement « la plante rampante couleur de lilas »), par exemple, un certain nombre de plantes, dont la glycine, sont placées de façon à recevoir un maximum d’éclairement lunaire car ce rayonnement est réputé les guérir, les soigner et les protéger. Toujours dans le langage chinois des fleurs, la glycine symbolise la douceur de l’amitié mais sa délicatesse est en fait un piège puisque si elle s’enroule d’abord comme un serpent autour du support, elle l’emprisonne ensuite lorsque son bras devient puissant… Ainsi, au bout de vingt à trente ans, ses troncs noueux viennent à bout des plus solides barreaux et pitons d’acier.

Le nom anglais de la Glycine est d’ailleurs Wisteria. Et si je vous dis Wisteria Lane, nom du quartier où vivent les Desperate Housewives de la série du même nom, je suis sûre que l’idée de la « douceur de l’amitié » liée à une plante capable de briser des pitons d’acier vous paraît tout de suite plus parlant… (à moins que vous n’ayez jamais vu cette série o/)

C’est ce double aspect, donc, qui m’intéresse particulièrement dans ma peinture puisque jouer sur l’ambiguïté des choses me permet de pointer du doigt l’aspect à la fois attirant et inquiétant de l’univers que je tente de personnifier, celui d’Internet.

Work in progress : La vallée des morts

La Vallée des morts by Shou'

Je travaille actuellement sur cette peinture que vous pouvez voir ici évoluer peu à peu. Elle s’intitulera très probablement La Vallée des morts.

Je voulais jouer une fois de plus sur le même concept qu’avec Second Life (plus d’informations ici : https://www.studinano.com/toile-second-life) : la mort d’un être, sa décomposition, servent à la création de nouvelles entités vivantes. Ici, par exemple, les Lotus fleurissent autour des cadavres peu à peu recouverts par la mousse, la végétation et sur lesquels les arbres même choisissent de pousser. Les Lotus créent à leur tour des lanternes volantes qui, dans mes travaux, symbolisent les âmes. Rien ne se perd, tout se transforme.

Comme je le répète souvent, mon travail artistique est basé sur la vision que je me fais d’Internet : comment personnifier, comment donner un corps, un aspect tangible à un univers virtuel fait de 0 et de 1 ? Rien ne se perd, sur la toile. Les informations peuvent se fondre dans la masse. Certaines rejoignent les tréfonds, elles y sont noyées (volontairement ou non : des starlettes, par exemple, font régulièrement disparaître des informations compromettantes à leur sujet en les noyant sur un flot d’autres, plus valorisantes). D’autres s’envolent, si je puis dire, et forment l’âme d’Internet. Une âme qui n’est pas forcément beaucoup plus rose que le reste mais qui fait encore d’Internet une zone à part : ni une zone de non-droit, comme se plaisent à l’appeler ceux qui voudraient la contrôler, ni une zone trop libertaire, seulement un endroit de création incessante où fourmille l’ensemble des différentes facettes de l’humanité (là encore, bonnes ou mauvaises, des plus comiques aux plus poétiques en passant par des aspects beaucoup plus sombres).

Je crois que ce qui dérange le plus les gens qui essayent désespérément de légiférer à propos de l’Internet (et qui sont généralement des gens qui n’utilisent pas véritablement Internet, d’ailleurs, ou qui, s’ils le font, sont plutôt partisans du « faites ce que je dis mais pas ce que je fais »), c’est de constater à quel point c’est un des moyens de communication reflétant le plus ce que nous sommes, en tant qu’êtres humains. Par exemple, nous sommes à la fois capable de vouloir à tout prix partager la moindre information ou création, parce que la possibilité d’accéder à toujours plus de connaissance en un clic est un petit miracle et, dans le même temps, nous souhaitons être protégé de tout (contre le vol d’informations, la copie non-autorisée de notre travail, etc).

J’essaye surtout de personnifier ma propre expérience, mon propre voyage cybernétique. Mes personnages sont mes avatars. Les décors que je leur imagine sont purement subjectifs de ce que j’ai pu connaître ou connais d’Internet et, du coup, de ce que j’imagine à partir de ça. J’utilise le symbolisme pour illustrer ce parcours qui, finalement, pourrait être un grand livre de screenshots (comme j’aimerais avoir encore des screenshots de mes débuts sur la toile !). Je donne forme, à ma façon, à ce qui n’a pas de forme ou à qui en a trop.

Longtemps adepte des forums de jeux de rôles, j’ai depuis longtemps l’habitude d’essayer d’imaginer du tangible là où il n’y a que des données s’affichant sur un écran froid. C’est un des aspects magiques d’Internet ; on se prend au jeu, là, derrière nos écrans. Quand j’étais sur ces forums, ce sentiment était d’autant plus fort : quelqu’un commençait à écrire une situation et il suffisait de lui répondre. Ces mots devenaient des histoires, complexes et passionnantes, qui pouvaient s’étaler sur des semaines ou des mois. Finalement, Internet est, pour moi, un immense jeu de rôle.
Mais la vie l’est tout autant, me direz-vous ! Nous jouons tous un rôle, voire plusieurs pour chaque situation dans laquelle nous nous trouvons : nous agissons différemment, que nous nous trouvions devant notre patron ou notre maman (…bon, okay, ça n’est peut-être pas le meilleur exemple, mais vous voyez l’idée o: ).

Non, en fait, l’atout majeur d’Internet réside justement en l’anonymat qu’il nous permet de choisir, dans un monde absolument abstrait, fait de pages numériques qui se succèdent encore et encore. Nous pouvons donc choisir d’être qui nous sommes et d’imaginer quoi que ce soit de l’endroit où nous nous trouvons. C’est ce que j’aime d’Internet. C’est ce que craignent d’autres personnes. Mais ça n’en est pas moins un médium créatif absolument passionnant et infini, je ne crois pas qu’on puisse nier cela. Et c’est aussi pour ça que je n’aime pas particulièrement Facebook et son envie de nous voir tout dire de nous, sous notre vrai identité…


Edit : Voici la peinture terminée.

La Vallée des morts
La Vallée des morts
Peinture acrylique sur toile
50 x 100 cm