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Charging Bull, Fearless Girl et Pissing Pug : Artception à Wall Street

Pour mon grand retour sur Studinano, après des mois plutôt… difficiles à surmonter, dirons-nous, j’ai décidé de vous parler d’une histoire artistique très actuelle et dont les rebondissements ne semblent pas s’arrêter, de mois en mois.

Nous partons pour New-York. Dans le quartier des affaires de Manhattan (rappelons au passage aux bacheliers de ne pas faire la même erreur que l’an dernier si, éventuellement, le nom de ce quartier apparaissait encore en pleine épreuve d’anglais : OUI C’EST À NEW-YORK ET OUI NEW-YORK EST AUX ÉTATS-UNIS ). Plus précisément encore, nous nous rendons tout près de la bourse de New-York, à Wall Street.

Charging Bull : Le taureau de Wall-Street

Dans ce quartier pour le moins connoté, se trouve, depuis 1989, une œuvre de l’artiste Arturo Di Modica : Charging Bull. Aussi surnommé « le taureau de Wall Street ». Il s’agit d’une sculpture en bronze d’un (je vous le donne en mille) taureau assez imposant étant en train de se préparer à charger.

Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
We Can Do It ! J. Howard Miller pour Westinghouse Electric, 1943, affiche de propagande américaine.
We Can Do It ! J. Howard Miller pour Westinghouse Electric, 1943, affiche de propagande américaine.

Cette œuvre a la particularité de ne pas être une commande de la ville, ni d’aucun organisme ou mécène particulier. C’est l’artiste qui, en 1989, a fait « livrer » l’œuvre sous un sapin de Noël, devant la bourse de New-York. C’était peu après le krach boursier de 1987 (qui a donné lieu au Black Monday) et il s’agissait, en quelque sorte, d’un cadeau aux habitants de la ville, célébrant leur esprit « can-do » (WE CAN DO IT § Ca vous dit forcément quelque chose, la dame en bandana, qui remonte fièrement sa manche avec l’air déterminé, tout ça, tout ça, je vous la mets sur le côté parce que je suis très gentille et on y reviendra plus tard). Bref, leur esprit « on peut » ou « nous pouvons » le faire (je vous épargne la conjugaison complète du verbe même si, à nouveau, j’ai une pensée pour les futurs bacheliers qui, par malheur, passeraient par ici en ces jours sombres… sortez un Bescherelle, bordel.) (On va croire que j’ai un truc contre les bacheliers mais, ne vous formalisez pas, c’est juste thématique, hein, en vrai : bon courage les gars \o/ YOU CAN DO IT § Comme ça, c’est doublement thématique.) (Et ça suffit, les parenthèses qui se succèdent, merde).

Arturo Di Modica posant près de son taureau.
Arturo Di Modica posant près de son taureau.

Pour l’artiste, ce taureau représente la force et le courage. Il est censé être un symbole pour New-York, ses habitants et ses visiteurs : vous pouvez le faire, vous pouvez réussir parce que vous êtes forts et courageux, et non pas parce que vous avez ou non de l’argent ! Car n’oublions pas qu’initialement, le taureau avait été déposé par Arturo Di Modica juste devant la bourse de New-York.

Bref, une œuvre comme on les aime. Pleine de bons sentiments et d’American Dream (encore que, j’admets, ce taureau a quand même une certaine gueule).

Mais tout cela a bien changé ! Les années ont passé et même si l’œuvre est devenue une véritable attraction touristique dans le quartier, on peut dire que son sens originel s’est un peu perdu en chemin. Beaucoup voient aujourd’hui dans ce taureau le symbole de l’argent, du système capitaliste, prêt à foncer et à écraser tout ce qui se dresserait sur son passage. Disons qu’il ne plaît plus forcément à la même population qu’au départ, vous voyez ?

Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.

Notons quand même que le taureau représente alors déjà l’économie qui remonte, qui repart à la hausse. Il est déposé par l’artiste après l’un des plus importants krachs boursiers qu’ait connu le pays. En 1989, les choses sont rentrées dans l’ordre et ce taureau chargeant, du bas vers le haut, représente bien ce mouvement ascendant, cette amélioration. De plus,  à l’origine, le mot « bullish » en anglais signifie « hausse de la bourse ». Bull, bullish, de là à y voir un lien, il n’y a qu’un pas.

C’est dans ce contexte qu’en mars 2017, les new-yorkais ont la surprise de découvrir qu’une nouvelle statue a pris place juste en face de leur cher taureau. C’est une petite fille qui se dresse fièrement devant l’énorme animal. Elle a les mains sur les hanches et semble le défier du regard. On surnomme rapidement cette sculpture la Fearless Girl (la fille sans peur). Et c’est là que les ennuis commencent !

Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.

Fearless Girl : Une femme pour les contrôler tous !

La Fearless Girl est une oeuvre de Kristen Visbal. Contrairement à l’œuvre de Arturo Di Modica, il s’agit d’une commande. Et pas de n’importe qui ! De la State Street Global Advisors (SSgA). Une firme qui fait dans l’investissement. Une firme dans la pure veine de Wall-Street, donc.

On est bien loin du message initial censé être porté par l’œuvre de Arturo Di Modica : vous pouvez tous réussir, même sans argent !… Mais, quand même, investir, c’est bien pour devenir encore plus riche, c’est-à-dire réussir encore plus (comment ça, réussir c’est pas forcément être riche ? Allons dont ! Petits bisounours !) et ça fait tourner l’économie pour faire encore plus de super riches (et de super pauvres). Non, le sens initial de Charging Bull a été zappé avec le temps.

Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.

Contre toute attente (la mienne, en tout cas), la Fearless Girl devient, aux yeux du grand public, le symbole de la femme forte, se dressant sans peur devant le grand méchant taureau qui, vous l’aurez compris, a désormais tout du symbole capitalo-patriarcal (« l’homme blanc riche » pour ceux qui n’ont pas encore le dico des tendances linguistiques de 2017). Ca ne vous rappelle rien ? La nana forte de l’affiche « We can do it », un peu plus haut ? Tiens, tiens… Le message semble glisser d’une œuvre à l’autre. C’est super bien joué de la part de la Fearless Girl.

Résumons. Les gens voient désormais une petite fille qui se dresse sans peur face au taureau, représentation de l’homme viril, colérique, sans aucune finesse. Girl power ! La Fearless Girl devient un symbole féministe et, plus encore, un symbole humaniste : l’enfant, autrement dit les générations futures, renverseront tôt ou tard le système capitaliste, et la société qui l’accompagne, car ils n’en ont pas peur.

Mais que fait-on de ce pourquoi les artistes ont, respectivement, fait ces œuvres au départ ? Arturo Di Modica n’a jamais dit que son taureau était un symbole du capitalisme triomphant. Encore moins de l’homme blanc viril, sans peur et sans reproche. Quant à Kristen Visbal, elle a réalisé cette petite fille pour répondre à la commande d’une firme capitaliste. Pis encore ! Sa sculpture était initialement accompagné d’un cartel qui disait : « Know the power of women in leadership. SHE makes a difference » (« Voyez le pouvoir des femmes dans le leadership. ELLES font la différence »). On pourrait croire, de prime abord, que SHE (elle en anglais) est en majuscule parce que ce mot est important dans la phrase et parce que l’on insiste sur l’importance des femmes. Que du bon, donc ! Sauf que SHE désigne aussi le code mnémonique (code, souvent formé de trois lettres,  permettant de désigner rapidement une action en bourse) de la firme State Street Global Advisors (SSgA), qui a passé commande de la statue afin de promouvoir son fonds indiciel. Alors, qui fait la différence ? She ou SHE ? Les femmes ou la firme SSgA ?

Comme par hasard, la plaque est retirée.

La plaque est là en mars... Elle n'est plus là en mai.
La plaque est là en mars… Elle n’est plus là en mai.

Et là, vous vous dites : BIM ! Le château de cartes s’écroule. La Fearless Girl perd toute crédibilité. Et on la retire pour laisser tranquille ce pauvre taureau.
Sauf que non. Parce que tandis que Big Flo et Oli chantent « Personne n’écoute les paroles » dans leur dernier clip (à écouter et à voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=ib_DmsyXBVA), j’ajouterai aussi que personne ne lit jamais rien avant de se lancer corps et âme sur Facebook ou Twitter pour lancer la réputation d’une chose ou d’une autre (j’avoue, ça rallonge un peu le refrain de la chanson…).
La Fearless Girl est toujours considérée, pour l’instant, comme un chouette symbole féministe et anti-capitaliste. Mieux encore, nombreux sont ceux qui considèrent qu’elle a besoin du Charging Bull pour exister car si on les sépare, le message porté n’a plus aucun sens (même si, en fait, il n’en a déjà pas… après Inception : Artception ! Des oeuvres d’art dans des oeuvres d’art et des messages artistiques dans des messages artistiques et, au final, un joyeux bordel pour savoir si cette foutue toupie se casse la gueule ou pas, à la fin du film, ce qui ne serait pas arrivé avec un hand spinner, qu’on se le dise).

MAIS ! Mais ! Mais. L’histoire ne serait pas croustillante à souhait si elle s’arrêtait là.

Pissing Pug : La pièce manquante ?

Le 30 mai dernier, c’est un troisième artiste qui vient mettre son grain de sel dans la controverse. Alex Gardega installe, ce jour-là, une troisième sculpture à l’ensemble : un chien (un carlin, soyons précis) venant, littéralement, pisser sur les chaussures de la Fearless Girl. L’artiste explique qu’il l’a volontairement fait très moche, de manière à ridiculiser complètement la fillette. Pour lui, elle dénature l’œuvre originelle (le Charging Bull) et cela constitue une atteinte au droit d’auteur.

La Fearless Girl désormais affublée de son Pissing Pug.
La Fearless Girl désormais affublée de son Pissing Pug.

Alex Gardega explique également que la Fearless Girl est une « absurdité institutionnelle ». En disant cela, on sent bien que c’est bien contre les initiateurs de la commande qu’il s’indigne en plaçant là son chien (déjà surnommé le « Pissing Pug« , soit dit en passant).

Mais c’est évidemment le geste iconoclaste que l’on retient : le Pissing Pug passe pour une attaque contre les femmes, contre le féminisme, contre l’idée qu’une femme pourrait avoir du pouvoir ou ne serait-ce que les mêmes droits et possibilités qu’un homme. Bref, contre tous ces symboles qui se sont attachés, au fil des mois, à la Fearless Girl.
Quant à Alex Gardega, on l’accuse non seulement d’être misogyne mais aussi de taper une colère qui n’a pas lieu d’être, comme un gros gamin (ce qui est rigolo parce qu’on parle de petite fille… et lui, on le taxe de gamin… ahah… je fais ce que je peux avec la dose d’humour qu’on m’a accordée à la naissance, ok !?). Autant vous dire que les insultes fusent sur les réseaux sociaux et jusque dans les médias !

Mais, attendez deux secondes : on parle bien de sculptures, non ? Pas d’une véritable petite fille sur laquelle un homme aurait poussé son chien à faire ses besoins. Pourtant, il est intéressant de constater que la Fearless Girl est devenue intouchable au fil des mois. Et d’aucuns la défendent vraiment comme s’il s’agissait d’une véritable petite fille :

Traduction du tweet : "Voici Alex Gardega, l'homme qui a ajouté "pissing dog" à côté de "Fearless Girl". C'est une oeuvre misogyne, quoi qu'il en dise."
Traduction du tweet : « Voici Alex Gardega, l’homme qui a ajouté « pissing dog » à côté de « Fearless Girl ». C’est une œuvre misogyne, quoi qu’il en dise. »
Traduction du tweet : "Votre acte est le reflet de la haine qui existe en Amérique envers les femmes et les filles. Nous avons le droit d’exister."
Traduction du tweet : « Votre acte est le reflet de la haine qui existe en Amérique envers les femmes et les filles. Nous avons le droit d’exister. »

L’amalgame qui est fait entre l’œuvre et ce qu’elle représente est assez troublant et assez intéressant à la fois. On sent bien que quelque chose se passe autour de la Fearless Girl. Comme si elle était l’œuvre que beaucoup attendaient. Le porte étendard d’une bataille qui s’éternise : la lutte pour les droits des femmes et l’égalité homme-femme.

On le sent bien quand, sous son premier tweet, cette personne ajoute :

Traduction du tweet : "Voyez cette petite fille debout, là. Qu'est-ce que cela lui dit ?"
Traduction du tweet : « Voyez cette petite fille debout, là. Qu’est-ce que cela lui dit ? »

La Fearless Girl est aussi devenue un message d’espoir pour les générations futures : elle représente toutes les futures femmes de demain. Du coup, quand Alex Gardega installe son Pissing Pug, ça passe mal. Très mal. Parce que ce qu’il vise en réalité, les gens l’ignorent totalement. Et il vient s’attaquer à bien plus fort que lui : une œuvre devenue un symbole. Son Pissing Pug ne pisse pas pour le droit d’auteur, il pisse contre les femmes. Et tout ce qu’il dira n’y changera rien parce que c’est ce que tout le monde voit.

Du coup, c’est qui-qui gagne à la fin ?

Toute cette histoire est finalement représentative d’une question très intéressante en Art : qui fait l’œuvre ? C’est l’artiste, me direz-vous. Et, en effet, c’est la plupart du temps l’artiste qui fait matériellement l’œuvre. C’est lui qui la fabrique. Mais qui lui donne son sens ? C’est celui qui la regarde ; celui qui la reçoit. L’œuvre finit toujours par échapper, plus ou moins totalement, à son auteur. Elle prend vit dans le regard de celui qui la découvre, qui l’admire, qui l’expérimente. Et c’est avec notre individualité, notre propre regard sur le monde, que nous donnons du sens à une œuvre – ou non. Tout dépend de notre façon de la recevoir.

Mais, du coup, qui a raison, dans cette histoire ? Est-ce ceux, comme moi, qui se sont penchés sur les histoires de ces œuvres pour connaître les raisons qui ont poussé ces artistes à les réaliser ? Ou est-ce le public, pas forcément au courant de toutes ces controverses, mais qui se fie à ses impressions, ses ressentis face aux œuvres ? Je dirais qu’il y a un peu des deux. Et qu’un peu des deux sont irréconciliables parce que personne ne s’écoute jamais, de toute façon (Big Flo et Oli, le retour, il faut que j’arrête avec cette chanson). Mais aussi, et surtout, parce que ça n’est jamais qu’une question de réception : je reçois une œuvre de telle façon parce que c’est ainsi que je suis. Cela peut être dû à mon éducation, à ma culture, à mes expériences dans la vie, à ce que je sais ou non au moment de voir une œuvre, et même à ce que je ressens au moment précis où je la vois. Si j’ai passé une journée géniale ou une journée pourrie, je ne saluerai pas forcément ma boulangère de la même façon (en fait, si, parce que je suis polie, mais dans ma tête, non).  C’est plus ou moins la même chose pour les œuvres d’art.

C’est plutôt pas mal, d’ailleurs, parce que ça veut dire que votre perception d’une œuvre peut toujours changer ! Alors, si j’étais vous, de temps en temps, j’irai me repencher sur des œuvres que j’ai trouvées inintéressantes, voire complètement nulles, juste pour voir si vous en tirez quelque chose de neuf. Si ça se trouve, vous étiez passés à côté de votre film, de votre livre, de votre artiste préféré sans le savoir ! (Oui, je suis optimiste, parfois.)

Quant à ces trois sculptures, je trouve pour ma part qu’il serait désormais dommage de les séparer. Elle forme un ensemble des plus intéressants. L’avenir nous dira quelle sera la décision de la ville de New-York. Ou, qui sait ? Peut-être qu’une quatrième statue viendra à son tour ruiner le Pissing Pug. Affaire à suivre !


Sources :
Un artiste en colère installe la sculpture d’un chien qui pisse à côté de la Fearless Girl de Wall Street
Arturo Di Modica with His Most Famous Creation — The Charging Bull


N’oubliez pas de laisser un petit commentaire avant de partir ;) (que l’article vous ait plu ou pas !)

Vincent Callebaut : Quand l’architecture nous transporte dans le futur

Pour être parfaitement honnête avec vous, j’ai très peu de connaissances en architecture. Quand je dois en parler, mon propos se résume donc souvent à : « Wouah ! Ca claque ! » ou « Euh. T’es sûr que la photo est à l’endroit ? »
Par contre, j’adore la science-fiction (si, il y a un lien ! Lisez la suite !).
Du coup, quand j’ai vu les travaux de Vincent Callebaut pour la première fois, il y a déjà plusieurs années de ça, je n’ai pu qu’adorer et adhérer. Parce que ses travaux généraient en moi un « Wouah ! Ca claque ! » tout en touchant à mon amour de la science-fiction et de son esthétique.

Comment vous résumer ce que fait cet architecte belge ? Il me semble que les travaux de Callebaut sont reconnaissables au premier coup d’oeil. Ce sont des bâtiments aux formes pures, lisses, courbes. Ils sont généralement blancs et pourvus de nombreuses fenêtres aux formes géométriques complexes. Mais ces structures sont surtout conçues pour accueillir de la végétation. Ils me font penser à des vaisseaux spatiaux écolos qui émergeraient des villes.

Capture d'écran du jeu Anno 2070.
Capture d’écran du jeu Anno 2070.

Comme un ami (merci, d’ailleurs !) me le faisait très justement remarqué, le jeu de gestion Anno 2070 a adopté une esthétique assez similaire dans son scénario consistant à bâtir une ville propre. Je trouve intéressant de le noter. Même si je ne peux pas affirmer sur les créateurs ce soient inspirés des architectures futuristes de Vincent Callebaut. On retrouve, en tout cas, la volonté de créer une ville écolo.

Bref.
Il y a quelques années, j’avais consacré un article à un de ses projets, imaginé spécialement pour la ville de Paris : un bâtiment qu’il avait surnommé l’Anti-Smog.

Alors, je vous vois venir, « Anti-Smog », c’est quoi ce machin ? Non, nous n’allons chasser aucun pokémon dans cet article. Le smog est un mot-valise, un néologisme formé à partir des mots anglais « smoke » (fumée) et « fog » (brouillard) et désigne une brume épaisse causée par la pollution atmosphérique.
Une petite image parlante qui va vous donner des envies de voyage :

Air de Pékin un jour après la pluie (à gauche) et un jour ensoleillé avec le smog (à droite).
Air de Pékin un jour après la pluie (à gauche) et un jour ensoleillé avec le smog (à droite).

Mais l’Anti-Smog n’est pas censé être un simple anti-brouillard, vous l’aurez compris. C’est davantage un projet anti-pollution, anti-polluant. Le principe du projet étant de dépolluer (en partie seulement, bien sûr, restons réaliste) la capitale ou, en tout cas, de lui offrir un poumon sain.

Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
« Mais qu’est-ce que c’est que ce machin aux allures de vaisseau spatial ?! »

Il est évident que si un tel projet voyait le jour à Paris (pour l’instant, je rassure les réfractaires, ça n’est pas au programme, rangez vos fourches !), il ne plairait pas à tout le monde. En effet, comme vous pouvez le voir, ce bâtiment est très design. L’Anti-Smog a de faux airs de vaisseau spatial. Ceux qui ne jurent que par le classique seraient forcément un peu sur les nerfs si on introduisait tout-à-coup cette sorte de baleine blanche végétalisée dans le paysage parisien… Il suffit de se rappeler comment certains des monuments et bâtiments de la Capitale, souvent parmi les plus connus et visités à ce jour, ont pu être critiqués (et plus encore) à leur construction : le Centre George Pompidou, la Pyramide du Louvre, les Colonnes de Buren… La liste est longue.
Pour ma part, je ne suis pas tant transportée par le design du bâtiment que par l’idée elle-même d’installer un tel OVNI en plein Paris. J’ai peut-être trop lu et, surtout, trop regardé de SF pour encore m’extasier devant le bâtiment en tant que tel, mais j’imagine bien que mon sentiment serait fort différent devant la dite construction, grandeur nature. J’ai besoin d’essayer pour adopter, moi, vous savez ! (oui, cette phrase était volontairement tendancieuse)

« Comment c’est censé marcher, c’machin ? »

L’anti-smog se compose de deux bâtiments : le premier, qui ressemble donc à un vaisseau spatial ou à une sorte de ballon de rugby (bah, quand même, non ?), est surnommé la Solar Drop (« la goutte d’eau » en anglais). Le second, sorte de grande tour en forme de vis, est appelée la Wind Tower (la tour du vent).
Des noms, comme vous pouvez le voir, clairement orientés nature et écologie.

Et pour cause, la Solar Drop est une superstructure composée de cellules photovoltaïques (une cellule photovoltaïque est un composant électronique qui, exposé à la lumière (photons), génère de l’électricité) ou, autrement dit, une sorte de panneau solaire géant. De plus, son revêtement en dioxyde de titane (c’est-à-dire composé d’oxygène et de titane) interagit avec les rayons ultraviolets pour dégrader les particules polluantes dans l’air.
La Wind Tower, elle, possède une structure en hélice sur laquelle sont incrustées de petites éoliennes fixées verticalement.

Façade du Musée des Arts Premiers, Paris.
Façade du Musée des Arts Premiers (ou Musée du quai Branly), Paris. Architecture de Jean Nouvel.

Enfin, comme on peut le voir sur les images accompagnant le projet, les deux bâtiments seraient en partie recouverts de végétaux. On peut penser à des sortes de murs végétales, comme on en voit finalement de plus en plus régulièrement et comme il en existe déjà un sur la façade du Musée des Arts Premiers à Paris, justement.

Ce projet a été conçu pour être, éventuellement, installé dans le 19ème arrondissement de Paris, près du canal de l’Ourcq. Pour ma part, je ne connais pas le coin mais, sait-on jamais, peut-être que c’est votre cas.

Représentation en 3D de l'intérieur du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.
Représentation en 3D de l’intérieur du projet Anti-Smog par Vincent Callebaut.

Ce qu’il faut néanmoins savoir, c’est qu’il s’agit uniquement d’un projet. Je ne pense pas que la ville de Paris investira de si tôt dans un projet comme celui-là mais, si elle le voulait, le projet existe et serait réalisable. Alors, la ville à la Star Wars, oui, on pourrait faire mais, non, on est pas prêt de la voir. Simple question de budget ? Pas seulement. Il faut aussi prendre en compte que le changement fait peur… Et quel changement ! Les propositions de Vincent Callebaut ont quelque chose de foncièrement utopiques. Et notre monde semble n’avoir encore jamais été prêt pour ça.
Sachez que la première fois que j’ai parlé du projet Anti-Smog sur un blog, c’était en 2010. Et nous n’avons pas vu l’ombre d’un projet comme celui-là émerger à Paris en ces cinq années.

Ceci dit, L’Anti-Smog n’est qu’un des nombreux projets imaginés par Vincent Callebaut pour Paris et ailleurs. Mais même s’il n’est pas forcément mon projet préféré, je tenais à vous montrer que des artistes imaginent des choses géniales qui pourraient très bien voir le jour près de chez nous (et pas seulement, comme c’est souvent le cas, dans les gigantesques villes comme New York ou celles qui sont « à la mode », en ce moment, architecturalement parlant, comme Pékin, Hong Kong et l’inclassable Dubai). L’avenir nous dira si toutes ces idées resteront purs projets ou si elles verront le jour dans un avenir plus ou moins proche.

En attendant, Vincent Callebaut persiste et signe. A l’été 2014, il présentait, en coopération avec le cabinet d’ingénieur Setec Bâtiment, un projet tout à fait hallucinant dans le cadre de l’étude « Paris Smart City 2050 » lancée par l’Agence de l’écologie urbaine de la ville de Paris. On y retrouve notamment l’idée de l’Anti-Smog à travers ce que Callebaut surnomme les « Anti-Smog Towers » (les « tours anti-smog »). Et, cette fois, c’est bien la ville de Paris qui est à l’origine de l’étude ! On peut donc imaginer que, peut-être, un jour, au moins une partie de ces bâtiments sortiront de terre.

Toutes les informations concernant ces infrastructures sont disponibles sur le site de Vincents Callebaut en anglais et en français (il faut dérouler la page un petit moment pour tomber sur le français, pour information ;)).
On y parle des installations pour les alentours de la Gare du Nord, des Portes d’Aubervilliers ou des Lilas, pour les 12ème, 16ème, encore 13ème arrondissements. Même Montparnasse n’y échappe pas. Pas davantage que la « Petite Ceinture » où se situeraient les fameuses tours « Anti-Smog ».

Comme vous connaissez peut-être certains de ces endroits tels qu’ils sont aujourd’hui, voici la liste présentée sur le site :

1. « MOUNTAIN TOWERS » :
PARIS HISTORIQUE _ 1er arr., RUE DE RIVOLI
Des tours végétales, solaires et hydrodynamiques bio-climatisant l’îlot de chaleur urbain.
2. « ANTISMOG TOWERS » :
PARIS HISTORIQUE _ 14ème arr., PETITE CEINTURE
Un corridor écologique de 23 kms au cœur de Paris ponctué de tours dépolluantes photo-catalytiques.
3. « PHOTOSYNTHESIS TOWERS » :
PARIS MODERNE _ 15ème arr., TOUR MONTPARNASSE
Un Central Park piézo-électrique et spiralé à la verticale aux bio-façades d’algues vertes.
4. « BAMBOO NEST TOWERS » :
PARIS MODERNE _ 13ème arr., ENSEMBLE MASSENA
Des tours maraîchères thermodynamiques aux balcons potagers.
5. « HONEYCOMB TOWERS » :
PARIS PERIPHERIQUE _ 20ème arr., PORTE DES LILAS
Une ruche de logements alvéolaires énergétiquement solidaire.
6. « FARMSCRAPERS TOWERS » :
PARIS PERIPHERIQUE _ 19ème arr., PORTE D’AUBERVILLIERS
Une ferme verticale rapatriant la campagne aux portes de la ville.
7. « MANGROVE TOWERS » :
PARIS FUTUR _ 10ème arr. _ GARE DU NORD
Des tours photosensibles enracinées sur des quais piézoélectriques.
8. « BRIDGE TOWERS » :
PARIS FUTUR _ 16ème arr., PONT AVAL / 12ème arr., _ PONT AMONT
Des ponts-paysages habités amphibiens enjambant la Seine aux entrées Amont et Aval de Paris.

Sur ce, voici les images qui, j’espère, vous plairont autant qu’à moi !
Si oui/Si non, vous pouvez me le faire savoir par commentaire. Je serais curieuse, notamment, de lire l’avis de parisiens, si certains passent par cette page ! :)

Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».
Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».
Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».
Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».
Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».
Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».
Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».
Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».

Sources :
Page officielle du projet Anti-Smog sur le site de Vincent Callebaut
Page officielle du projet Paris Smart City 2050 sur le site de Vincent Callebaut
Projet Paris Smart City 2050 présenté par Paris ZigZag
Les villes du futur, mardi 20/01 à 20h50, Arte
Vegetal City (Cité Végétale) de Luc Schuiten