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Bruegel : histoires au cœur de l’hiver

Joyeuses Fêtes à tous !

Je n’ai pas eu l’occasion de vous proposer un article d’Halloween cette année. Mais je suis contente de vous retrouver pour notre traditionnel article de Noël !

Cette année, je vous emmène au XVIème siècle. Voilà longtemps que nous n’avions pas fait un tel saut dans le temps ! Nous nous rendons en Belgique que nous appelons alors les Pays-Bas Espagnols. C’est l’hiver, la neige est tombée en abondance. La scène est idéale pour Pieter Bruegel l’Ancien, peintre de l’hiver.

Sommaire

Qui était Pieter Bruegel l’Ancien ?
Les petits théâtres de Bruegel
Bruegel l’Ancien, Bruegel le Jeune : plusieurs versions d’une même œuvre
Bruegel, entre mythe et réalité
Bruegel et Bruegel : de père en fils
Conclusion
Sources

Qui était Pieter Bruegel l’Ancien ?

Pieter Bruegel, dit l’Ancien (parce que son fils s’appelait aussi Pieter Bruegel, dit le Jeune, du coup, pas bête), ou Pierre Bruegel en France, est un peintre et graveur brabançon (ancien comté des Pays-Bas Espagnols, aujourd’hui situé en Belgique) du XVIème siècle. Il fait partie des plus célèbres peintres de l’Ecole Flamande, en plein Siècle d’Or Hollandais, parmi Jan van Eyck, Jérôme Bosch ou encore Pierre Paul Rubens, Vermeer ou Rembrandt.

De sa vie, on ne sait presque rien. On estime qu’il est né vers 1525 et l’on sait qu’il est mort à Bruxelles en 1569. Il existe peu de sources écrites à son sujet. Cela fait de lui un peintre relativement mystérieux (même s’il l’est moins que Jérôme Bosch, que les sujets de ses peintures ont participé à mystifier bien davantage ; j’espère que nous aurons l’occasion de parler de lui sur Studinano, un de ces quatre). Les peintures de Pieter Bruegel sont en effet très reconnaissables.

Pieter Brueghel l’Ancien, La Tour de Babel, Huile sur toile, 1,140mm x 1,550mm, XVIe siècle (1563), Kunsthistorisches Museum Vienna (Autriche)
Pieter Brueghel l’Ancien, La Tour de Babel, Huile sur toile, 1,140mm x 1,550mm, XVIe siècle (1563), Kunsthistorisches Museum Vienna (Autriche)

D’ailleurs, nous avions déjà parlé de Bruegel l’Ancien sur Studinano et, en particulier, de l’une de mes peintures préférée, qu’il a réalisé : la Tour de Babel (voir ci-dessus). Vous pouvez retrouver plus d’information sur cette œuvre dans cet autre article.

Les petits théâtres de Bruegel

Pieter Bruegel peint essentiellement la vie quotidienne du peuple de son temps et de son pays. Ses toiles fourmillent de vie et de détails qui donnent l’impression qu’elles bougent, comme si nous regardions les acteurs d’un théâtre miniaturisé. Ses personnages ont des trognes caricaturales, très expressives, comme s’ils portaient des masques grotesques. Cela leur permet de nous transmettre des émotions très variées.

Dans le même temps, cela a donné à Bruegel l’Ancien l’image d’un peintre de la joie. Les experts discutent beaucoup autour de cette réputation. Pour certains, les peintures du maître pourraient paraître plus joyeuses et gaies qu’elles ne le sont réellement. Pour d’autres, l’artiste dépeignait bien les bonheurs simples comme nul autre. Nous verrons plus après qu’il est parfois difficile de déterminer avec exactitude les intentions de Bruegel car sa production était essentiellement le résultat de commandes.

Pieter Bruegel l'Ancien, Paysage d'hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

En tout cas, il faut reconnaître qu’il est troublant d’observer certaines de ses peintures, comme Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux (voir ci-dessus), une de ses oeuvres les plus populaires et les plus connues. Le peintre nous y détaille nombre de loisirs et de jeux auxquels les gens s’adonnent en toute quiétude sur la glace. Paradoxalement, nous nous attendrions naturellement à voir représentée la dureté des conditions de vie hivernales (froid, famine, maladies, accidents…). C’est pourtant une vie de plaisirs simples qui, à première vue, nous est présentée. Notre inconscient collectif a plutôt retenu le labeur incessant des paysans, des serfs et des autres membres du Tiers Etat, contraints de rendre des comptes aux Seigneurs locaux et payer de nombreux impôts.

Nous verrons que la peinture de Bruegel ne s’arrête néanmoins pas aux apparences. Les mises en scène de ses tableaux sont complexes mais permettent de raconter une multitude d’histoires en une scène fixe.

Comme dans un Où est Charlie d’un autre temps, Bruegel l’Ancien nous entraine dans des images devant lesquelles il n’est pas rare de devoir passer un certain temps pour en saisir tous les détails. Et si la scène peut paraître triviale, dans un premier temps, elle recèle souvent des trésors.

C’est le cas de la toile que j’ai choisi de vous présenter aujourd’hui, en cette période de Noël : l’Adoration des Mages (oui, vous aurez envie de manger des galettes avant même d’avoir mangé vos bûches, c’est comme ça).

Bruegel l’Ancien, Bruegel le Jeune : plusieurs versions d’une même oeuvre

Bruegel a réalisé plusieurs peintures sur ce sujet alors précisons : nous parlerons essentiellement de l’Adoration des Mages dans un paysage d’hiver (parce qu’on veut de la neige en hiver, bon sang ! Rendez-nous notre climat nordique, qu’on puisse à nouveau blaguer sur nos igloos ch’tis !), réalisée en 1563. Il s’agit de cette œuvre :

Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Il existe plusieurs versions de l’œuvre . On fait le compte : Bruegel a peint plusieurs tableaux représentant la scène de l’Adoration des Mages. Et l’Adoration des Mages dans un paysage de neige a ensuite été copiée plusieurs fois par son fils.

Personne n’est perdu ?

Alors voici l’explication : il n’était pas rare qu’un peintre peigne plusieurs fois un même sujet, notamment religieux, sous des angles plus ou moins différents. Il n’était pas rare non plus que des peintres fassent deux versions (ou plus) d’un même tableau. Les raisons à cela étaient diverses : certains tableaux étaient des essais, d’autres des copies conçues pour la vente. Dans le cas de Bruegel l’Ancien, notons que son fils Bruegel le Jeune a pu réaliser des copies d’œuvres de son père (a priori, pour satisfaire des commandes et, ma foi, il faut bien manger, hein !) Les talents d’imitateur de Bruegel le Jeune envers l’œuvre de son père sont souvent soulignés. Et, en effet, si je vous proposais un petit qui a peint quoi, vous seriez bien embêtés pour y répondre (et moi aussi, très certainement, car j’ai eu des surprises en écrivant cet article).

En ce qui concerne l’Adoration des Mages dans un paysage d’hiver, j’ai pu admirer celle du Musée Correr de Venise (voir ci-dessus). Mais il faut avouer que mes photos ne sont pas bien belles. La version que je vais donc vous proposer d’admirer est celle de la Reinhart Collection, qui se trouve aujourd’hui dans la villa Am Römerholz à Winterthur (un nom de circonstance ;)) dans le Canton de Zurich en Suisse.

De plus, le tableau que j’ai vu a été peint par Bruegel Le Jeune et non pas Bruegel l’Ancien. Et ce n’est qu’une des copies de cette toile. Mais cela nous donnera l’occasion de jouer au jeu des sept différences ensemble ;)

Bruegel, entre mythe et réalité

La peinture que j’ai choisie est une huile sur bois de 1563 qui nous montre une vue d’un village de Flandres tel qu’il devait en exister au XVIème siècle, au temps de Bruegel l’Ancien.
Il neige à gros flocons mais de nombreuses personnes se pressent dans les rues.

Pour décrire au mieux cette peinture pleine de vie, nous allons procéder par étapes. Commençons par l’arrière plan.

Peindre l’hiver
Détail : un château à l'arrière plan, dans les brumes hivernales. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : un château à l’arrière plan, dans les brumes hivernales.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Au bout de l’allée principale, nous pouvons distinguer la silhouette d’une bâtisse beaucoup plus grande que les autres. Elle est vraisemblablement en pierre et possède des tours et une entrée qui semble assez monumentale. Il s’agit très probablement d’un château. Des gardes en armure et armés protègent le passage. Il s’agit de la rangée de personnages qui se trouvent juste derrière la roue.

On voit passer de nombreux personnages courbés par le froid. Ils tentent vainement de se réchauffer en serrant leurs bras sur leur poitrine. Au premier plan, un enfant semble faire de la luge sur l’eau gelée. D’un trou dans la glace, des personnes viennent tirer de l’eau qu’ils ramènent à l’aide de seaux. D’autres portent des sacs ou semblent couper du bois. Sous une sorte de tente, un feu réchauffe quelque chose. C’est la seule source de chaleur qui existe dans cette image.

Détail : habitants tirant de l'eau depuis un trou dans la glace. Un enfant faisant de la luge tandis que sa mère semble lui crier de revenir à elle. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : habitants tirant de l’eau depuis un trou dans la glace. Un enfant faisant de la luge tandis que sa mère semble lui crier de revenir à elle.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

On perçoit bien la dureté de l’hiver qui frappe le village. On dit que Bruegel est un des premiers à peindre la neige.

« Bruegel est l’un des premiers à représenter l’hiver en tableaux monumentaux, insistant sur la représentation de la neige. Avec lui, l’hiver devient un sujet. »

RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018 

Il serait tombé en admiration devant les paysages enneigés qu’il a croisés lors de son Grand Tour (1553-1555), voyage initiatique que de nombreux artistes ont longtemps effectué en Italie pour apprendre leur métier auprès des grands maîtres de cette région du monde. Il en a ramené des croquis des montagnes et des paysages hivernaux qu’il a pu observer.

« C’est dans les premiers temps d’une carrière assez courte (une vingtaine d’années), en 1552, que Bruegel effectue son voyage en Italie, d’où il rapporte, non des vues de monuments antiques, comme les autres « fiamminghi », mais des dessins de paysages, alpins en particulier. Commencés sur le motif et terminés à l’atelier, ces dessins sont absolument remarquables. Avec autant de précision dans le détail que de souplesse et de légèreté dans les graduations lumineuses, ils rendent compte, dirait-on, d’une expérience exaltante, comme si l’auteur éprouvait l’ivresse de l’immensément ouvert, de l’infini déploiement de la croûte terrestre – montagnes, vallées, plaines, fleuves, lacs, villes – sous la béance du ciel. Il y a là un sentiment de la totalité du monde, comparable seulement à ce qu’un Léonard de Vinci avait exprimé dans ses rares dessins de paysages. Ces dessins des Alpes furent déterminants pour l’art de Bruegel qui, par la suite, emplit nombre de ses tableaux de sublimes paysages, où les grasses campagnes se hérissent d’hétéroclites pitons rocheux, paysages qui englobent littéralement les scènes religieuses ou profanes qui s’y déroulent. Certes, Bruegel reprend là une tradition instaurée par Joachim Patinir, à Anvers même, dans les premières décennies du siècle : la formule du « paysage monde », vue panoramique déployée à perte de vue. Mais, là où Patinir « miniaturisait » l’infini, noyant tout dans un air bleu, enchanteur et irréel, Bruegel dote l’immensité, terre et ciel, de la même consistance concrète qu’il confère aux détails des premiers plans. L’espace ainsi construit est colossal, parfois même vertigineux. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

Dans ce tableau, on peut trouver deux explications à cet hiver rude :

  • Dans un premier temps, une observation de la météo de son temps. L’hiver était alors plus marqué qu’aujourd’hui dans les régions du Nord de l’Europe, frappées par une petite ère glacière qui durera jusqu’au milieu du XIXème siècle.
  • Dans un second temps, une allégorie montrant la dureté de la vie à cette période de l’Histoire dans son pays.
Détail : une église semble être en ruines. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : une église semble être en ruines.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Pour appuyer cette idée, un autre grand bâtiment se distingue des autres, à droite de la peinture. Il semble en ruine mais ses fenêtres ressemblent à celles des églises ou des cathédrales. Un des murs semble maintenu par une grande poutre en bois. On devine que ce qu’il reste de l’édifice menace de s’effondrer.

Une scène ; des histoires multiples

Bruegel voulait-il témoigner de l’état de son pays à l’époque où il a peint cette scène ? L’église en ruine pourrait être la représentation, factuelle ou imagée, des Guerres de Religion qui agitent alors l’Europe. De plus, peu de temps après la réalisation de cette peinture, signe qu’une crise secoue ce territoire, les Pays-Bas Espagnols connaîtront un conflit que l’on surnomme la Révolte des Gueux (ou Guerre de Quatre-Vingt Ans). Représenter ainsi un bâtiment religieux, dans un état de délabrement avancé (il n’a plus de toit, il neige dans ce qui fut son intérieur), peut être le signe des conflits qui marqueront l’Histoire, en particulier des cultes, du XVIème au XVIIIème siècle.

« Pieter Bruegel l’Ancien (vers 1525-1569), le grand, le fondateur de la dynastie à ne pas confondre avec ses fils Pieter Bruegel II dit « d’Enfer » et Jan Bruegel dit « de Velours », vécut en un siècle où son pays, la Flandre d’alors, était sous le joug de la couronne espagnole, qui réprimait férocement toute contestation. Le Conseil des Troubles fut instauré pour cela. Et l’Inquisition châtiait tout ce qui était suspecté d’hérésie, en un temps où la Réforme se répandait dans tout le nord de l’Europe. Les années 1560 furent celles où se nouèrent des luttes qui, à terme, menèrent à l’indépendance des Pays-Bas. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

Pourtant, à l’opposé gauche de la peinture, une scène vient casser l’apparent réalisme et la trivialité de la scène. Une histoire bien connue : dans une étable, on aperçoit la Vierge Marie et son enfant, Jésus, dans ses bras. Des pèlerins arrivent pour lui présenter leurs vœux et ce ne sont pas n’importe lesquels : les Rois Mages.

L’Adoration des Mages
Détail : les Rois Mages viennent visiter la Sainte Vierge. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : les Rois Mages viennent visiter la Sainte Vierge.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

C’est cette toute petite partie qui donne son nom à cette peinture, comme révélée par une observation minutieuse de l’ensemble : l’Adoration des Mages. Le récit biblique, tiré de l’Evangile selon Matthieu, raconte que des Rois Mages seraient venus d’Orient, guidés par une étoile (l’Etoile du Berger qui s’est finalement avérée être la planète Vénus et non une étoile) pour rendre hommage à Jésus. Ils sont trois : Melchior, Gaspard et Balthazar. Ils auraient apporté avec eux des présents : l’or, la myrrhe et l’encens. C’est cette histoire que l’on surnomme l’Adoration des Mages et qui fut représentée nombre de fois au cours de l’Histoire des Arts. Nous avons vu que Bruegel lui-même en avait fait plusieurs versions, signe de son importance dans l’imaginaire chrétien.

Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Dans la version de Bruegel Le Jeune (voir ci-dessus), l’ensemble de la scène est plus détaillée, bénéficie d’un traitement plus net et il ne neige pas.  Les couleurs sont également plus vives. Cela nous permet de voir davantage de détails.

Détail : Adoration des Mages par Bruegel le Jeune. Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Détail : Adoration des Mages par Bruegel le Jeune.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Dans la partie qu’il consacre à l’Adoration des Mages, certains chercheurs pensent qu’il aurait pu glisser un portrait de son père, Bruegel l’Ancien, parmi les Rois Mages (voir ci-dessus).

Détail : Des soldats en bleu et or. Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Détail : Des soldats en bleu et or.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Sur cette version de la peinture, on peut voir plus clairement certains personnages. C’est le cas notamment de certains soldats ou gardes de la cité (voir ci-dessus) qui semblent porter des armoires bleues et or. Les vêtements des personnages sont aussi beaucoup plus détaillés, là où dans la version de son père, tout semble frémir dans le froid comme sous une vraie tempête de neige. Chez Bruegel l’Ancien, la touche est plus marquée. Tandis que chez Bruegel le Jeune, on pourrait presque parler d’un style plus « cartoonesque » tant les contours des formes sont précises et les couleurs marquées. D’autant plus que l’on retrouve les personnages burlesques de son père, à la carrure forte, la tête quasiment visée aux épaules et le tronc court, rappelant les personnages de certains de nos dessins animés modernes et contemporains, aux silhouettes simplifiées et enfantines.

Comme dans de nombreuses peintures religieuses, les espace-temps se superposent ici. La réalité rencontre la fiction, les légendes, la mythologie. Ici, la vie au XVIème siècle, au cœur des Pays-Bas Espagnols, fusionne avec le temps de la Bible et sa réalité, son imaginaire. L’étable où Jésus aurait vu le jour est transposée dans un autre lieu et une autre époque : de Béthléem au Nord de l’Europe ; de l’Antiquité (si tant est que nous puissions dater comme un fait véritable la naissance de Jésus) à la Renaissance. Ainsi, les légendes bibliques deviennent intemporelles et universelles. De plus, dans un esprit humaniste, elles sortent du monde sacré pour entrer, comme c’est le cas ici, dans la vie de tout un chacun. Le monde des dieux n’est plus ; il est inscrit dans le monde humain.

« Même les scènes bibliques ou historiques se déroulent dans le monde contemporain de l’artiste, en costumes modernes et dans un environnement flamand. Ce processus d’actualisation des thèmes n’est ni nouveau ni unique en son temps, certes. Mais l’actualisation, chez Bruegel, est aiguë, elle acquiert une pertinence et une acuité de sens inédites jusqu’alors. Et qui culminent peut-être dans l’Adoration des mages dans un paysage d’hiver, du musée de Winterthur, où l’événement passe presque inaperçu, dans un coin, voilé par les myriades de flocons tombant sur les villageois affairés. Le sacré s’insère dans la vie quotidienne avec un naturel déconcertant, le peintre graduant à sa guise les effets de réalité. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

On remarque d’ailleurs que la vie continue autour de la scène biblique, pourtant ô combien importante pour les croyants. Elle n’est pas un évènement pour les autres personnages visibles ; l’histoire est rendue ordinaire. Elle est mise sur le même plan que le reste. Elle n’occupe d’ailleurs qu’une toute petite partie du tableau, en bas, à gauche. Une partie est même dissimulée par un pan de mur et les nombreux flocons qui agitent l’ensemble du tableau. C’est l’être humain ordinaire qui occupe la place centrale de l’œuvre et non plus le sacré, la religion et ses icônes.

La pratique, assez iconoclaste d’ailleurs, n’est pas sans lien avec l’expansion du Calvinisme et, plus généralement, du Protestantisme.  Notons, de plus, que la Vierge Marie, tout comme les Rois Mages considérés comme des Saints dans la religion catholique, sont représentés sans auréole. Ils semblent être de simples humains ordinaires.

Semblent bien exister des liens avec les Guerres de Religion ainsi qu’avec l’Humanisme de la Renaissance qui fait évoluer les mentalités depuis déjà plusieurs décennies, plaçant l’Homme au centre des préoccupations, plutôt que Dieu (ou les dieux).

Bruegel et Bruegel : de père en fils

Comme le rappellent les chercheurs ayant contribué à l’ouvrage Bruegel et l’Hiver (voir Sources), il est important de ne pas analyser une œuvre uniquement sur ce qu’elle représente mais de chercher aussi à qui elle était destinée.

Il y a plusieurs histoires dans un tableau, quel qu’il soit, et c’est d’autant plus vrai chez Bruegel comme chez son fils, qui furent les peintres d’une certaine élite bourgeoise locale. Ces histoires qui s’entremêlent comme les fils d’une toile sont :

– D’abord, le sujet du tableau (dans le cas qui nous intéresse : l’Adoration des Mages).
– La représentation que l’artiste fait du sujet (l’Adoration des Mages plongée dans une scène de genre, sous la neige du Nord de l’Europe).
– Le contexte historique au moment où l’œuvre est réalisée (ici, les Guerres de Religion, notamment).
– Et l’un des points souvent mis de côté, voire oublié : à qui le tableau est-il destiné ?

C’est moins le cas aujourd’hui (encore que… vaste débat !) mais les artistes ont très longtemps dépendu de mécènes et de commanditaires. Des personnes souvent fortunées et puissantes. Leurs œuvres étaient essentiellement des commandes. Autrement dit, ils ne peignaient pas ce qu’ils voulaient et leur travail devait plaire pour être acheté. Comme n’importe quel autre bien. Ils étaient ce que nous appellerions des artisans, de nos jours, voire des graphistes ou des designers (je me suis déjà souvent opposée aux gens qui considèrent que les artisans, graphistes et autres créateurs et créatifs ne sont pas des artistes : bien sûr qu’ils le sont ! Aucun artiste ne vit d’amour et d’eau fraîche, malheureusement.)

Par ailleurs, l’on sait que Bruegel était aussi dessinateur. Les gravures tirées de ses dessins, largement diffusées, lui ont apporté une certaine notoriété. Il signait ses toiles, comme de plus en plus d’artistes de l’époque, preuve qu’il devait être reconnu de son vivant.

Tout laisse croire que les affaires marchaient bien, pour lui.

Bref, si Bruegel et son fils dépeignent leur époque et que leurs peintures s’inscrivent dans l’air du temps, c’est aussi pour répondre à des commandes. Il convient donc d’être prudent avant de penser qu’une œuvre est porteuse d’un message ou représente une critique de son temps. En effet, quand un banquier lui commande une peinture, on imagine qu’il est serait malvenu de lui livrer la représentation de la misère économique et sociale du pays, causée par des impôts trop lourds.

Après lecture de Bruegel et l’Hiver, le journaliste Harry Bellet écrit dans Le Monde des Livres :

En collaborant avec une équipe de recherche internationale, les historiens d’art ont reçu le secours d’autres historiens. Leurs approches croisées permettent de bousculer quelques idées reçues, comme celle qui lisait dans Le ­Dénom­brement de Bethléem une critique du peintre contre les impôts injustes écrasant les pauvres gens. Une fois identifié le commanditaire du tableau, Jan Vleminck, banquier de la régente Marguerite de Parme et seigneur de Wijnegem, qui à ce titre percevait le cens auprès de ses paysans, l’hypothèse est soudain moins crédible. Qui voudra se convaincre des précautions à prendre avant d’écrire des bêtises sur un tableau lira avec profit le chapitre consacré à l’historiographie et la fortune critique de Bruegel : il est exemplaire.  »

Source : Revue de presse, site d’Acte Sud pour Bruegel et l’Hiver.

L’image de l’artiste engagé en prend un coup, je sais ! Ceci dit, on peut penser que ces artistes, qui étaient souvent des personnes intelligentes et cultivées, étaient assez malignes pour séduire les commanditaires sans se départir totalement de leur esprit critique et de leur individualité artistique. Mais n’oublions pas que nous prêtons là des intentions à des personnes que plusieurs siècles séparent de nous. Nous analysons leur travail avec nos yeux, nos expériences, nos savoirs actuels. Dans le cas de Bruegel, nous savons peu de choses de sa vie et devons faire de nombreuses conjectures. Si nous avions une machine à voyager dans le temps, peut-être que cet artiste nous dirait que nous nous trompons totalement sur ses intentions. Nous serions peut-être même surpris par elles. Alors, comme pour n’importe quelle analyse d’œuvre, la prudence est de mise.

Pieter Bruegel l'Ancien, Le Dénombrement de Bethléem, Huile sur bois, 116 × 164,5 cm, 1566, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Le Dénombrement de Bethléem, Huile sur bois, 116 × 164,5 cm, 1566, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

Dans un autre de ses célèbres tableaux enneigés, Bruegel l’Ancien dépeint une autre scène biblique « cachée » dans un village flamand en hiver, d’apparence triviale. Ce tableau s’intitule Le Dénombrement de Béthléem (voir ci-dessus). Ce tableau « date de 1566, une année qui connaît une vague iconoclaste extrêmement violente. On a voulu interpréter ce tableau comme une critique à peine voilée du gouvernement des Habsbourg, mais ça ne se vérifie pas du tout (Source). » En effet, voici ce qu’explique l’historienne de l’art, Sabine Van Sprang :

« Il est en effet anachronique de s’imaginer qu’un artiste du XVIe s puisse exprimer ses convictions personnelles dans des tableaux de commande, sans tenir compte des convictions des commanditaires. La clientèle connue de Bruegel est composée de grands commerçants, de gens proches du gouvernement. Ce n’est certainement pas un tableau qui remet en question le gouvernement central. »

Sabine Van Sprang dans RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018 

La polysémie des œuvres de(s) Bruegel
Pieter Bruegel l'Ancien, Paysage d'hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

Dans un autre paysage hivernal encore Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux (voir ci-dessus), Bruegel l’Ancien dépeint des gens faisant du patin sur un fleuve gelé. Loin de sembler mourir de faim, comme on pourrait l’imaginer, la région est alors riche et l’économie florissante. La scène est festive, les gens semblent s’adonner à divers loisirs permis par le grand froid. L’artiste semble montrer l’aspect positif de l’hiver et les possibilités qu’ont les gens de s’amuser, alors que nous voyons plutôt les gens du peuple au travail, habituellement. Il semble donc bien exister une vie en dehors du travail !

Pourtant, on pourrait analyser cette peinture au-delà du visible. Le symbolisme est très présent dans les œuvres de la Renaissance et notamment chez Bruegel l’Ancien. On peut notamment voir un piège à oiseaux dans cette peinture. Or, les oiseaux symbolisaient l’âme. Ce piège pourrait donc être celui du Diable, prêt à attraper les gens s’adonnant trop aux plaisirs.
On remarque aussi un trou dans le lac gelé, dans lequel un imprudent pourrait facilement tomber.
Quant à la composition de la scène, elle nous place en hauteur par rapport au fleuve qui s’éloigne dans le lointain, disparaissant dans l’horizon hivernal. S’agit-il d’une allégorie de la vie, sur laquelle les patineurs glissent plus ou moins facilement, essayant de se maintenir debout, tant bien que mal, et d’éviter les dangers, les accidents ?

« Le Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux, comme les autres scènes d’hiver de la main de Bruegel, est une oeuvre résolument innovante. Au cours des décennies suivantes, ces représentations enneigées donneront naissance à une véritable tradition picturale. Hendrick Avercamp (né à Amsterdam en 1585) en sera l’un des principaux tenants. Loin d’être des oeuvres uniquement contemplatives, les paysages hivernaux de Bruegel l’Ancien dissimulent souvent un sens caché. Outre les différents degrés de lecture possibles, ces paysages enneigés sont avant tout des fresques incroyablement vivantes illustrant les moeurs et coutumes du Brabant au XVIe siècle. »

Jennifer Beauloye, Bruegel et l’hiver, pour Google Arts & Culture

Une œuvre est toujours polysémique : elle a plusieurs sens. On peut la lire de façon littérale : décrire ce qu’on y voit. Puis, l’analyse nous amène à décrypter ses sens plus ou moins cachés. À titre personnel, c’est ce qui me plaît dans l’analyse d’oeuvre : l’impression d’être devant une énigme à résoudre, un coffre au trésor à ouvrir.

Conclusion

Bref, connu pour ses représentations de l’hiver, Bruegel a aussi peint de nombreuses autres œuvres et, par conséquent, dépeint d’autres saisons.

Les saisons sont le principal signe visible du temps qui passe. Elles sont perceptibles par tous les hommes, des plus pauvres aux plus puissants. Elles balisent nos existences depuis nos premiers pas jusqu’à la tombe. Elles ont longtemps semblé être immuables – nous savons aujourd’hui qu’elles sont le résultat d’un équilibre très fragile, que nous mettons à mal depuis maintenant plusieurs siècles. Quoi qu’il en soit, rien ne saurait arrêter la course folle du temps qui passe et c’est aussi ce dont parlent les œuvres de Bruegel.

Une chose semble rester éternelle, capable de traverser les temps, les frontières, dans ce tableau : les religions, les croyances (en l’occurrence chrétiennes). Bruegel n’en fait pas un élément ostentatoire de son œuvre et c’est en cela que l’on perçoit la montée du Protestantisme en terres de Flandres. Toutefois, elle est présente dans un coin de l’œuvre, discrète mais toujours présente. Malgré la dureté de l’hiver, malgré les conflits et tandis que la vie suit son cours, que le monde des hommes change, se transforme, évolue, Bruegel laisse entendre que la foi reste dans un coin des esprits et des cœurs, accompagnant la vie des hommes comme un héritage toujours d’actualité.

« Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
À chaque homme accordé pour toute sa saison. »

Charles Baudelaire, « L’Horloge », dans Les Fleurs du mal, 1861.

Personnellement, je suis athée mais c’est ainsi que ma maman, aujourd’hui décédée, vivait sa foi chrétienne : dans son cœur, comme un élément de son jardin secret qui n’avait pas à être exposé en place publique. Cela lui faisait du bien et était important dans sa vie. En cette veille de Noël, comme toujours, j’aurai une pensée pour elle car elle me manque énormément et j’ose croire qu’elle aurait apprécié la lecture de cet article et les œuvres de Bruegel.


Sources :

Tine Luk Meganck, Sabine van Sprang (dir.), Bruegel et l’Hiver, Paris, Actes Sud, 2018.
Revue de presse, site d’Acte Sud pour Bruegel et l’Hiver.
RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018
Véronique Vandamme et Jennifer Beauloye pour Google Arts & Culture, « L’artiste et son métier, Bruegel peintre ».
Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019
Jennifer Beauloye, Bruegel et l’hiver, pour Google Arts & Culture

L’éléphant de la Bastille

Aquarelle de Jean-Antoine Alavoine (1776-1834) Dernier projet pour la fontaine de l'Éléphant de la Bastille (1809-1810) H : 41 cm, L : 51,8 cm L'aquarelle est contresignée par Vivant Denon et Alavoine (architecte du projet) Musée du Louvre, Paris
Aquarelle de Jean-Antoine Alavoine (1776-1834) Dernier projet pour la fontaine de l’Éléphant de la Bastille (1809-1810) H : 41 cm, L : 51,8 cm L’aquarelle est contresignée par Vivant Denon et Alavoine (architecte du projet) Musée du Louvre, Paris

Cet éléphant, pour le moins monumental, aurait pu être construit au beau milieu de la Place de la Bastille à Paris !

Ce que je vous propose de voir ici est une aquarelle de Jean-Antoine Alavoine (1776-1834). Il s’agit du dernier projet pour la fontaine de l’Elephant de la Bastille (1809-1810). Elle se trouve aujourd’hui au Musée du Louvre à Paris. Vous allez me dire, c’est bien beau, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire d’éléphant !? Pourquoi ? Comment ?

Un éléphant géant pour… Napoléon !

Je ne vous le cache pas, il s’agissait d’un projet napoléonien. Même si cela peut aujourd’hui nous sembler absurde, l’éléphant portait en lui une riche symbolique qui expliquait le souhait du souverain :

  • Il représentait l’image du pouvoir :
    1. François Ier l’avait fait figurer sur une fresque du château de Fontainebleau comme symbole du pouvoir royal.
    2. Mais l’animal pouvait aussi faire référence aux conquérants antiques comme Alexandre Le Grand ou Hannibal, célébrant ainsi indirectement les conquêtes napoléoniennes comme des héritières.

      L'éléphant comme symbole du pouvoir royal (fresque de Rosso pour Fontainebleau, 1534-1540).
      L’éléphant comme symbole du pouvoir royal (fresque de Rosso pour Fontainebleau, 1534-1540).
  • Il rappelait aussi le goût de l’époque pour l’Orient :
    • Badge_of_the_Order_of_the_Elephant_heraldique
      Emblème de l’Ordre de l’Eléphant

      Napoléon était allé en Égypte. Pays d’où il avait ramené l’Obélisque que nous pouvons toujours admirer sur la Place de la Concorde à Paris. Napoléon se voit aussi offrir les sabres de Tamerlan et de Thamas Kouli-Khan, deux grands dirigeants et conquérants, par un ambassadeur du shah de Perse.  Mais, surtout, le 18 mai 1808, il est fait chevalier de l’Ordre de l’Éléphant par le roi Frédéric VI de Danemark. Et devinez quel est l’emblème de cet ordre ? Un éléphant portant une tour…

    • Mais le XIXe siècle est aussi connu pour son mouvement Orientaliste, marqué par l’intérêt de cette époque pour les cultures d’Afrique du Nord, turque et arabe, toutes les régions dominées par l’Empire Ottoman, jusqu’au Caucase. Parmi les artistes ayant pu être Orientalistes, il y a de grands noms : Ingres, Delacroix, Renoir, Picasso, Matisse,… Le Douanier Rousseau participe également à créer un certain goût pour l’exotisme.

      Jean Auguste Dominique Ingres, La Grande Odalisque, 1814, Louvre, Paris
      Jean Auguste Dominique Ingres, La Grande Odalisque, 1814, Louvre, Paris
    • Gravure de Léon Bennett illustrant l'éléphant du roman La Maison à Vapeur de Jules Vernes (1880).
      Gravure de Léon Bennett illustrant l’éléphant du roman La Maison à Vapeur de Jules Vernes (1880).

      En littérature, Jules Verne est également de ceux qui alimentent cette passion pour l’Ailleurs grâce à tous ses Voyages Extraordinaires. Dans La Maison à vapeur, roman de 1880, Jules Vernes raconte d’ailleurs l’histoire d’un gigantesque éléphant à vapeur, tirant deux wagons tout confort et étant même amphibie.

    • Plus largement, le XIXe siècle crée les Expositions Universelles. Ces lieux immenses, occupant souvent une large partie des villes qui les accueillent, comme Paris ou Londres, sont l’occasion de découvrir de nouvelles cultures. Parmi mille et une autres merveilles, des pavillons nationaux sont dressés. En 1900, par exemple, Paris accueille l’Exposition Universelle et le public peut y visiter les pavillons de la Finlande, de la Suède, des Etats-Unis, de l’Allemagne, de la Hongrie, de l’Empire Ottoman, de l’Italie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Russie, de la Belgique ou encore de la Grèce. (à l’occasion, je vous écrirai un article sur les Expositions Universelles car elles me fascinent littéralement !)
      Voici quelques photographies (certaines ont été colorisées) montrant à quel point l’architecture de ces pavillons pouvait être orientalisante (même quand cela n’avait pas forcément de lien avec ce qui était exposé, comme pour le Palais des Mines et de la Métallurgie) :
  • Et puis, l’éléphant étant un animal aimant l’eau, il n’était pas idiot de l’imaginer jouer le rôle d’une fontaine. Tout simplement.

De mémoire d’éléphant, on avait déjà vu ça quelque part !

Eléphant portant un Howdah.
Eléphant portant un Howdah.

D’après les images du projet, l’éléphant devait être pourvu d’une tour qu’il porterait sur son dos.

Cette tour était censée rappeler un howdah. On appelle un howdah la sorte de palanquin (ou de siège) que portent les éléphants et qui servent, notamment, à transporter des personnes. Initialement, ces howdah étaient installés sur ces animaux pour chasser ou faire la guerre. Il s’agissait d’un symbole de richesse pour son propriétaire et il pouvait être très richement décoré.
La tour portée par l’animal devait donc évidemment servir à symboliser le pouvoir de Napoléon et, plus globalement, celui de la France.

Ca n’était cependant pas une idée nouvelle puisque des éléphants pourvus de tours avaient déjà été représentés dans des enluminures datant du Moyen-Age.

Représentation médiévale d'un éléphant de guerre (enluminure du XIVe siècle).
Représentation médiévale d’un éléphant de guerre (enluminure du XIVe siècle).

Mais, pourquoi une tour, me direz-vous ? Après tout, les howdah ne ressemblent pas à des tours, c’est assez absurde, non ? L’enluminure que je vous propose de voir ci-dessus date du XIVe siècle. C’est la fin du Moyen-Age et il y a eu plusieurs périodes de Croisades qui ont dû faire parvenir jusqu’en Europe des histoires d’éléphants de guerre. Mais ce ne sont jamais que des histoires ! Des mots ! Je vous laisse imaginer : vous êtes français, au XIVe siècle (contexte : Guerre de Cent Ans, Peste Noire… c’est une période assez joyeuse, vous voyez ?), vous n’avez jamais vu un éléphant de toute votre vie et quelqu’un vous raconte que des gens, dans des pays lointains où il fait toujours beau, se battent dans des sortes de tours portées par des animaux énormes appelés « éléphants ». Ce sont un peu leurs chevaux à eux, leur cavalerie. Oh et, ces animaux ont une trompe : c’est une sorte de gros tuyau qu’ils ont à la place du nez… Voilà. Et bien dites-vous que les enlumineurs devaient, grosso-modo, représenter des éléphants de guerre à partir de descriptions de ce genre (ok, j’ai peut-être un peu grossi le trait, mais vous voyez l’idée ?).

Mais un éléphant portant une tour, on en trouve également un, sous la forme d’une sculpture, dans les jardins de Bomarzo en Italie (voir ci-dessus). Considérés comme les jardins les plus extravagants de la Renaissance italienne, ils datent du XVIe siècle et on y trouve notamment des obélisques et des sphinx. Je dis « notamment » car on y trouve vraiment des sculptures très… étranges et appartenant à des cultures assez différentes. Par exemple : Protée, divinité marine ayant le don de métamorphose, dont la tête sortant du sol porte sur son crâne les armoiries de la famille Orsini (les commanditaires du jardin) ; Hercule écartelant Cacus qu’il maintient la tête en bas ; Vénus sur une conque (un coquillage) retournée dans une niche ; Une nymphe endormie sur laquelle veille un petit chien ; Cerbère, le chien à trois têtes qui garde la porte des Enfers ; une tortue portant sur sa carapace une Renommée ailée (c’est une divinité grecque) soufflant dans deux trompettes (détruites), en équilibre précaire sur un globe terrestre ; un Orque ( ou une sorte de baleine monstrueuse) la gueule ouverte, semblant attendre un faux pas de la tortue ou des promeneurs… ; une maison penchée… etc. Et au milieu de tout ça, donc, un éléphant de l’armée d’Hannibal soulevant un légionnaire romain.
Bref, l’histoire de ce parc est encore assez mystérieuse. Je vous laisse deviner pourquoi…

Salvador Dali, Le triomphe de l'éléphant, 1975
Salvador Dali, Le triomphe de l’éléphant, 1975-1984 Sculpture en bronze, patine vert émeraude, ange doré.

Pause précision : Si dans le jardin italien de Bomarzo on trouve donc une tortue portant une Renommée ailée, en 1975 Salvador Dali, lui, avait justement réalisé la sculpture d’un éléphant portant aussi une sorte de Renommée soufflant dans une trompette (le plus souvent, les descriptions parlent en fait d’un ange, tout simplement). Cette sculpture s’intitule Le Triomphe de l’Eléphant ou Eléphant de Triomphe (c’est selon les traductions, j’ai l’impression que personne ne sait vraiment… En tout cas, voir ci-contre). Malheureusement, on ne peut pas dire que la photo lui rende hommage… En réalité, cette sculpture est assez grande et impressionnante car elle mesure environ 265 cm.
Chez Dali, les éléphants étaient symbole d’avenir. Ils étaient une de ses images favorites et ils les représentaient souvent perchés sur de longues jambes frêles, comme ici, ressemblantes à des pattes de girafe squelettiques ou d’étranges moustiques. L’ange, jouant de la trompette, annonce une ère nouvelle. Le fait qu’il soit fait d’or signifie probablement qu’il s’agira d’une ère prospère. Mais l’éléphant, lourd et massif, a des pattes vraiment fines, dont la fragilité annonce des difficultés certaines. (Source)

La fontaine de l'éléphant, projet d'Alavoine (vers 1813-1814). Vue exposée au Salon de 1814, chromolithographie Paris, musée Carnavalet.
La fontaine de l’éléphant, projet d’Alavoine (vers 1813-1814).
Vue exposée au Salon de 1814, chromolithographie
Paris, musée Carnavalet.

Un des projets d’Alavoine sera même exposé au Salon de 1814 ! Il s’agit d’une gravure qui se trouve aujourd’hui au Musée Carnavalet (voir ci-dessus). Autant vous dire qu’il semblait tenir à ce projet et qu’il était tout-à-fait officiel.

Place de la Bastille vue depuis le 4e arrondissement ; au centre la colonne de juillet et à droite l'opéra Bastille.
Place de la Bastille vue depuis le 4e arrondissement ; au centre la colonne de juillet et à droite l’opéra Bastille.

D’ailleurs, on réalisa bel et bien le bassin et le socle de la fontaine et ceux-ci sont encore visibles de nos jours, sous la Colonne de Juillet.

Plus fort encore, un modèle en plâtre à l’échelle 1 fut même réalisé près du chantier avant d’être détruit ! On peut supposer, d’après les plans du projet d’Alavoine, que ce modèle mesurait 16 mètres de long et 24 mètres de haut, dont 15 mètres uniquement pour l’éléphant et la tour que devait supporter son dos (je vous laisse imaginer…).

La maquette en plâtre dans son hangar en 1830-31 (gravure d'après un dessin de Pugin père).
La maquette en plâtre dans son hangar en 1830-31 (gravure d’après un dessin de Pugin père).

Un éléphant bien misérable…

Victor Hugo fera de cette maquette le logement de fortune de son jeune personnage, Gavroche, dans Les Misérables (1862). Ce qui n’est pas totalement fou puisqu’on sait qu’avant d’être détruit, l’éléphant servit effectivement de refuge à des sans-abris, voire à des malfaiteurs, en plus d’héberger un certain nombre de rats (il avait été laissé complètement à l’abandon…).

guillemet« Il y a vingt ans, on voyait encore dans l’angle sud-est de la place de la Bastille, près de la gare du canal creusée dans l’ancien fossé de la prison-citadelle, un monument bizarre qui s’est effacé déjà de la mémoire des Parisiens (…).
C’était un éléphant de quarante pieds de haut, construit en charpente et en maçonnerie, portant sur son dos sa tour qui ressemblait à une maison, jadis peint en vert par un badigeonneur quelconque, maintenant peint en noir par le ciel, la pluie et le temps. Dans cet angle désert et découvert de la place, le large front du colosse, sa trompe, ses défenses, sa tour, sa croupe énorme, ses quatre pieds pareils à des colonnes faisaient, la nuit, sur le ciel étoilé, une silhouette surprenante et terrible. »

Source : Victor Hugo, Les Misérables (livre sixième, Le petit Gavroche), 1862

En 1831, un certain Levasseur en était apparemment le gardien (auto-proclamé ?) et vivait dans une de ses pattes. Malheureusement, le pachyderme était dans un tel état de délabrement qu’il ne pouvait plus être visité.

L’éléphant ne fut démonté qu’en 1846. Le Cocher du 2 août 1846, rapportant la démolition du modèle, précise qu’« il en est sorti plus de deux cents rats ».

Sur cette lithographie de Ph. Benoist, on peut voir la maquette de l'éléphant, à droite de la Colonne de Juillet.
Sur cette lithographie de Ph. Benoist, on peut voir la maquette de l’éléphant, à droite de la Colonne de Juillet.
Autre vue de l'éléphant de la Bastille, près de la Colonne de Juillet. (je n'ai pas pu trouver de qui était cette image, ni de quand elle datait exactement, mais il pourrait s'agir d'une gravure de Fedor Hoffbauer).
Autre vue de l’éléphant de la Bastille, près de la Colonne de Juillet.
(je n’ai pas pu trouver de qui était cette image, ni de quand elle datait exactement, mais il pourrait s’agir d’une gravure de ou d’après Fedor Hoffbauer).

Mais où est donc passé l’éléphant ? Pourquoi n’a-t-il pas vu le jour ?
Je vous vois venir ! « Bah… Parce que c’était un éléphant géant. Quelle idée d’aller construire ça sur la Place de la Bastille ! » Et, ma foi… Vous n’avez pas vraiment tort (même si, à titre purement personnel, j’aurais trouvé ça particulièrement osé et génial, mais je suis une excentrique, vous savez :D). Certains pensaient effectivement que cette idée était un peu grotesque (bon, pas au point de le dire comme ça, tout net, à Napoléon quand même). Mais c’est surtout la fin de l’Empire qui signa son arrêt de mort.

On essaya de lui imaginer une autre place dans Paris, des années durant, mais le projet fut finalement complètement abandonné puis progressivement oublié…

Un éléphant, ça trompe énormément

Oublié ? Non ! Un petit village gaulois résiste encore et… Ah non, c’est autre chose, ça. Non, l’éléphant n’a pas été complètement oublié.

C’est un ami qui m’a éclairé sur cette partie de l’histoire à côté de laquelle j’avais failli passer ! (Merci Mathieu !)

Conseil-general-du-nord-l-elephant-de-la-memoireJe vous raconte : en 1989, la France fête le bicentenaire de la Révolution. A cette occasion, un modèle de l’éléphant est recréé : il mesure 13 mètres de haut, 11 mètres de long et 4,30 mètres de large. Le palanquin (ou la tour, car il s’agit encore d’une tour) qui le surmonte sert de lieu d’animations et d’expositions. Il est surnommé l’Éléphant de la Mémoire (parce que, tout le monde le sait, un éléphant a une grosse mémoire, une mémoire d’éléphant !).

Seulement voilà, l’animal a un prix : 7 millions de francs à l’époque (un peu plus d’1 million d’euros) et cela n’est pas au goût de tout le monde (encore une fois, décidément il ne met personne d’accord, cet animal !).

Et puis, pourquoi avoir choisi de réactualiser un projet napoléonien pour illustrer la Révolution ? J’avoue que je n’ai pas trouvé la réponse à cette question très évidente. En tout cas, les réponses que j’ai pu m’inventer étaient un peu tirées par les cheveux… Du coup, je suis restée sur l’idée qu’il représentait bien la Mémoire de la France, toutes périodes confondues, et pas seulement la Révolution. Pourtant, l’Éléphant de la Mémoire avait été conçu pour une raison précise : en mémoire à Gavroche, le personnage de Victor Hugo. Par conséquent, dans son ventre, une salle de projection avait été installée pour dénoncer le travail des enfants dans nos sociétés. Encore aujourd’hui, il s’agit d’une des plus petites salles de cinéma au monde.

Photo de l'éléphant dans un des bâtiments désaffecté du site minier de Wallers-Arenberg (2014). Photo de Mikaël Libert pour le journal 20 Minutes.
Photo de l’éléphant dans un des bâtiments désaffecté du site minier de Wallers-Arenberg (2014).
Photo de Mikaël Libert pour le journal 20 Minutes.
Photo de l'éléphant dans un des bâtiments désaffecté du site minier de Wallers-Arenberg (2014).
Photo de l’éléphant dans un des bâtiments désaffecté du site minier de Wallers-Arenberg (2014).

Malgré ça, l’animal trône un mois sur l’Esplanade de Lille puis entreprend un périple dans le département du Nord-Pas-de-Calais avant d’aller jusqu’à Paris et Bruxelles. Il faut pas moins de six semi-remorques pour transporter la bête gigantesque qui pèse environ 17 tonnes… (elle est, bien sûr, découpée en morceaux, mais quand même)

Pour lui éviter d’avoir été construit pour rien, on imagine que de continuer « à le promener comme vitrine des traditions et de la technologie nordistes. Ou l’installer à demeure dans un parc urbain » nous explique La Voix du Nord dans un article de 2014. C’était sans compter un changement de majorité au Conseil Général… (je ne vous dis pas en faveur de quel côté, gauche ou droite, je vous laisse deviner, ça n’est pas très dur) Et voilà à nouveau l’éléphant reclus, oublié dans un vieux bâtiment désaffecté du XIXe siècle, sur l’ancien site minier de Wallers-Arenberg (pour ceux qui ne sont pas du coin, c’est bien là où passe le tour cycliste Paris-Roubaix quand on parle de la mythique « tranchée d’Arenberg »).

Un éléphant qui déménage !

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Logo du Musée-Parc Arkéos.

MAIS VOILA ! Coup de théâtre : « Le conseil général du Nord a trouvé un amateur pour l’encombrant pachyderme, qui y est entreposé depuis 1992. Cet amateur, c’est la communauté d’agglomération du Douaisis (CAD), pour son musée-parc archéologique Arkéos » annonce encore La Voix du Nord.
Le musée-parc en question a ouvert ses portes en juin 2014 et nous promet l’arrivée de « L’éléphant de la mémoire » pour 2015 (initialement, pour fin 2014, mais il semble que ça n’est pas encore été fait, à ma connaissance).

Photo du Musée-Parc archéologique "Arkéos" de Douai.
Photo du Musée-Parc archéologique « Arkéos » de Douai.

De son côté, il faut dire que « l’ancien site minier d’Arenberg, situé à Wallers, est en pleine métamorphose », comme le résume le journal 20 Minutes « Il prévoit notamment de construire un laboratoire de recherche sur les usages de la télévision de l’université de Valenciennes, dont les travaux ont débuté en avril 2014. » (Source : Mikaël Libert, « Arenberg: de la mine à l’écran », Journal 20 Minutes, mai 2014).

La ville va, peu à peu, accueillir La Fabrique à Images, « un lieu dédié à la recherche et à l’innovation pour le cinéma et l’audiovisuel », en coopération avec l’Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis (dans laquelle j’étudie depuis maintenant quelques années, juste pour info). « Une belle reconversion en perspective pour le site emblématique, explique le site de l’Université, puisque le projet prévoit l’implantation d’ici 2015 du laboratoire DeVisu de l’université, centré sur les technologies innovantes dans l’audiovisuel et les médias numériques. »

Pour information, le projet de la Fabrique à Images à Wallers-Arenberg fait partie d’un projet plus global, comprenant deux autres sites universitaires du Nord pour former le Pôle Images : La Serre Numérique des Rives de l’Escaut à Valenciennes (actuellement en construction, ce pôle a pour vocation de toucher tous les champs de la création numérique : jeu vidéo, animation, serious game, univers virtuels, simulation industrielle, design urbain, design produit…) et La Plaine Images implantée à Tourcoing mais regroupant des écoles de l’agglomération lilloise (elle est consacrée à l’image et aux industries créatives : jeu vidéo, animation, audiovisuel, images de synthèse, cinéma, réalité augmentée, 3D, interactions tactiles et gestuelles, serious game…).

Malheureusement, Wallers-Arenberg, qui avait notamment servi de lieu de tournage pour le film Germinal (sorti en 1993, avec notamment le chanteur Renaud, dans le rôle titre inspiré du roman d’Emile Zola), n’avait pas trouvé de place à donner à cet éléphant un peu trop imposant. C’est donc Douai qui en fait l’acquisition pour l’euro symbolique. Et, pour ma part, j’ai donc hâte de voir l’animal sortir de l’ombre et j’irai le visiter avec plaisir quand ce sera chose faite !

Photo du Grand éléphant de L'île de Nantes.
Photo du Grand éléphant de L’île de Nantes.

Résultat, comme c’est le cas à Nantes depuis plusieurs années (avec les Machines de L’île de Nantes), la ville de Douai devrait bientôt accueillir son éléphant à visiter. Contrairement à son compatriote nantais, il n’arpentera pas la ville mais, après tout, et avec une histoire pareille, il aura déjà bien voyagé !
Du coup, nous lui souhaitons autant de succès et, surtout, de ne plus être oublié.

Mise à jour 2022 :

L’éléphant n’a pas déménagé et se trouve toujours à Arenberg, dans ce qui est devenu Arenberg Creative Mine et je croise les doigts pour qu’il reste là et soit enfin remis en lumière ! En ce qui me concerne, avec ma thèse, j’ai plein de projets pour lui, en tout cas, si jamais ;D

Alors ? Il vous aurait plu, à vous, cet éléphant de la Bastille ? Si oui (ou non !), n’hésitez pas à laisser un petit commentaire ci-dessous !


Sources :
Paris ZigZag, L’éléphant de la Bastille, novembre 2012
Bernard Défontaine, « Wallers : l’Éléphant de la Mémoire va-t-il enfin sortir de l’oubli ? », La Voix du Nord, 25/04/2014
Ecole d’Architecture Université de Navarre, Paris : The town squares
Mikaël Libert, « Arenberg: de la mine à l’écran », Journal 20 Minutes, mai 2014