Me voilà de retour de vacances !
Des vacances presque studieuses, si je puis dire, car elles ont été l’occasion de visiter un petit nombre d’expositions toutes plus remarquables les unes que les autres (j’en profite d’ailleurs pour dire merci aux trois mecs, père, frère et fils/chéri, qui m’accompagnaient et qui ont eu la patience de me faire découvrir et de m’accompagner dans ces musées et expos car je sais que ça n’est pas toujours facile de se coltiner une étudiante en arts dans ce genre d’endroits o/).
Et j’espère bien vous faire un petit compte rendu de certaines œuvres que j’ai pu voir dans mes prochains articles !
Mais pour reprendre tranquillement mes marques, je vous propose d’abord un article sur une de mes peintures favorites :
Ce tableau de 1836 d’Adrienne Grandpierre représente l’atelier d’Abel de Pujol dont elle est alors encore l’élève (Mademoiselle Grandpierre épousera son professeur 20 ans plus tard, il s’agira pour lui d’un second mariage).
C’est une oeuvre qui se trouve actuellement au musée des Beaux Arts de Valenciennes (et pour cause, puisqu’Abel de Pujol est un des grands artistes valenciennois) et elle est importante pour moi car j’ai eu pour elle un véritable coup de coeur la première fois que je l’ai vue.
Pour la petite histoire, à l’époque, je suis en Seconde et comme tous les élèves de mon lycée valenciennois, je me dois de visiter le musée puisqu’il se trouve de l’autre côté de la rue. Tombant nez à nez avec cette toile, je reste longtemps devant, sans pouvoir en détacher les yeux, car j’ai l’impression d’être projetée à l’intérieur.
La perspective est ici faite de telle sorte qu’elle donne l’impression de pouvoir entrer dans le tableau. C’est le cas pour beaucoup d’autres œuvres mais, ici, j’ai vraiment ressenti cet effet de façon surprenante. C’était la première fois que je constatais ça. De plus, je n’avais encore jamais vu, à ce moment-là, de tableau représentant un atelier d’artiste.
Je crois que c’est ce tableau qui m’a donné envie de me remettre sérieusement au dessin et à la peinture, activités que j’avais complètement abandonnées à ce moment-là.
Bref, j’ai été fascinée par cette toile et j’apprécie encore aujourd’hui de la voir quand je m’aventure de nouveau dans ce musée. Malheureusement, la photographie ne lui rend pas suffisamment justice.
Cette oeuvre est remarquable car elle foisonne de détails. Elle permet d’entrer dans ce que pouvait être un atelier d’artiste à cette époque mais montre aussi qu’Adrienne Grandpierre devait être particulièrement admirative du travail de son maître.
Ainsi, sur le mur du fond, on peut apercevoir un grand nombre de toiles. Des toiles qui ont véritablement été peintes par Abel de Pujol et qu’il est possible de reconnaître dans cette oeuvre d’Adrienne Grandpierre. Par exemple, L’apothéose de Saint Roch, placée juste au-dessus de la porte, est clairement identifiable. Il s’agit d’une esquisse pour la voûte de la chapelle Saint-Roch (église Saint-Sulpice, Paris), elle aussi exposée au musée des Beaux Arts de Valenciennes.
Le tableau intitulé La Renaissance des Arts, esquisse préparatoire du plafond réalisé en 1819 pour l’ancien escalier du musée du Louvre, est également représenté près de la tête de la jeune femme étant en train de poser.
Ces deux tableaux témoignent de l’importance que pouvait avoir Abel de Pujol à cette époque puisque des projets d’envergure lui étaient confiés.
Un portrait du père de l’artiste (qui, pourtant, ne l’a jamais reconnu) est également visible, à gauche de l’œuvre. Il s’agit Alexandre Denis de Pujol de Mortry, prévôt de Valenciennes et fondateur de l’académie des Beaux-Arts de la ville.
Cette peinture nous permet également de voir comment un atelier d’artiste pouvait être aménagé à l’époque. On constate, d’abord, qu’une (ou plusieurs) larges fenêtres (1), le plus souvent orientées vers le nord, permettai(en)t aux artistes de peindre sous une lumière idéale. Ici, un grand rideau rouge permettait probablement de réguler la source lumineuse en fonction des besoins du peintre.
De plus, comme les artistes avaient besoin de grands espaces ouverts et lumineux, un bon chauffage était une nécessité. Il se devait de ne pas être salissant ou trop encombrant. C’est pourquoi de nombreux peintres adoptèrent le poêle (2).
« Chauffer une maison, c’est chauffer l’air qui s’y trouve. A cet égard, la cheminée n’est pas très efficace. Le poêle, qui enferme le foyer dans un réceptacle de métal rayonnant constitue un progrès notable. Les artistes ne s’y sont pas trompés, eux qui travaillent dans de grands volumes, éclairés par de grandes verrières orientées au Nord. Et puis il fallait bien réchauffer les modèles ! »
(source: Musée Historique Environnement Urbain, Le mheu : « Chauffer l’atelier de l’artiste »)
Enfin, on constate la présence, à droite du tableau, d’une statue, de bustes mais aussi d’armes (3) qui, probablement, servaient de modèle à Abel de Pujol. Ce dernier était en effet un peintre d’histoire, c’est-à-dire qu’il peignait des scènes historiques ou mythologiques. Or, l’inspiration, les artistes de cette période la puisait essentiellement dans l’Antiquité, d’où la présence de ces objets.
Une inspiration telle qu’elle vaudra à l’art de l’époque le surnom péjoratif « d’art pompier ». Certains disent que c’est la profusion des représentations de personnages coiffés de casque antique, à cette période, qui donna l’idée de cette expression. Ces casques ressemblaient, en effet, à ceux portés par les pompiers de l’époque. Durant une bonne partie du XXe siècle, les critiques continueront à désigner cette période artistique sous ce terme afin de pointer du doigt ce qui était alors considéré comme un art de mauvais goût. Il faudra attendre les années 70 pour que cette opinion évolue.
« L’origine de ce terme est mystérieuse : il dérive tantôt des personnages des tableaux de David, qui ressemblent aux sapeurs-pompiers des années 1830, tantôt du caractère arrogant, pompeux des toiles de l’époque. »
(source: L’art pompier, un art officiel)
En tout cas, ce tableau de l’atelier d’Abel de Pujol, sélectionné par le jury du Salon des Artistes français, permettra à Adrienne Grandpierre d’y exposer pour la première fois. L’artiste réalisera d’ailleurs une autre vue de l’atelier de son maître (un peu plus de dix ans avant celle dont je vous parlais jusqu’ici, voir ci-dessous), nous permettant de voir que de nombreuses jeunes femmes venaient y prendre des cours de dessin ou de peinture, et probablement aussi poser.
Pour l’anecdote, nous savons d’ailleurs que cet atelier se situait 13, rue de la Grange-aux-belles – l’actuelle section de la rue de Lancry entre le canal Saint-Martin et le boulevard de Magenta à Paris (source: article de Dominique Delord). Une « grange-aux-belles » qui portait bien son nom, semble-t-il, à en juger par l’élégance des femmes qui y prenaient des cours, témoignant du statu important de l’artiste. Notons d’ailleurs qu’Abel de Pujol fut l’élève de Jacque-Louis David, chef de file de l’École néoclassique (le fameux « art pompier » dont je vous parlais plus avant).
« Son premier tableau « Philopoemen reconnu tandis qu’il fend du bois dans la cuisine d’un ami qui l’a invité à diner », fut si admiré par David, que celui-ci l’admit dans son atelier. (…) Abel de Pujol obtint toutes les récompenses, toutes les dignités dont peuvent bénéficier les artistes. »
(source: Musée Midi-Pyrénées)
Sources :
Notice de l’Intérieur de l’atelier d’Abel de Pujol (Joconde, Portail des collections des musées de France)
GRANDPIERRE Adrienne et Abel de Pujol (1785 – 1861)
Atelier d’Abel Pujol ou Intérieur d’un atelier de peinture d’Adrienne Marie Louise Grandpierre-Deverzy
L’Atelier d’Abel de Pujol (Musée historique environnement urbain)
Chauffer l’atelier de l’artiste
La ligne souple. Dessins d’Abel de Pujol.
L’art pompier, un art officiel
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